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journée d’hier, 8 août, a été très pénible par suite d’un orage qui nous a inondés d’eau. La pluie n’a cessé de tomber en abondance pendant toute la nuit ; les hommes sont restés debout, sans sommeil, mais pouvant faire de grands feux. Les chevaux de la cavalerie et les attelages de l’artillerie sont horriblement fatigués ; ils ont passé la nuit du 8 au 9 dans des bourbiers profonds. Dans cet état de choses, les troupes de mon corps d’armée ont le plus grand besoin de repos et d’un bivouac tranquille. » La brigade Clérembault par exemple était restée vingt et une heures consécutives à cheval. Il fallut s’arrêter. L’Empereur pendant cet arrêt se rendit à Faulquemont où était arrivé Bazaine. « Je trouve, dit Montaudon dans ses Souvenirs militaires, le souverain bien vieilli, bien affaibli et n’ayant en rien l’attitude d’un chef d’armée. »

Bazaine proposa à son tour son plan : peut-être il ne fallait ni se reporter sous Châlons, ni attendre sous Metz, mais se concentrer entre Frouard et Nancy. Canrobert devait y être ; on y appellerait Mac Mahon, Failly et Douay ; on s’établirait sur le plateau des Hayes. Expulser d’une telle situation 200 000 hommes était impossible ; les déborder en leur prêtant le flanc était périlleux. Le maréchal avait été à Nancy deux ans et y avait commencé un travail dans ce sens ; en outre, il avait trouvé dans les Archives un projet très intéressant du général Haxo dans lequel était recommandée l’occupation de Frouard. Il ajoutait que, depuis le commencement du siècle, dans tout ce qui avait été écrit à ce sujet, on a presque toujours rejeté l’idée d’une concentration sous Metz, qui peut être tourné, soit par la frontière du Nord, soit par le Sud. — Tout cela était bien conçu, bien combiné, d’une incontestable justesse. « Ce serait découvrir Paris, » objecta l’Empereur. Et la proposition ne fut pas agréée. Elle eût mieux valu quo ce qui a été fait.

La retraite sur Metz continua à être dirigée dans l’ensemble par l’état-major général, dans le détail parle maréchal. Elle se poursuivit lamentablement. Les troupes qui, depuis plusieurs jours, ne cessaient d’aller, de venir, d’arriver, de repartir aussitôt après leur arrivée, non seulement se démoralisaient, mais étaient à bout de forces physiques. Les hommes partis souvent à l’aube n’atteignaient le bivouac que pendant la nuit sous des pluies torrentielles ; ils ne pouvaient assujettir leurs misérables petites tentes sur un sol qui n’était plus qu’une mer de boue, ni