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les boulevards, drapeau en tête, en chantant la Marseillaise, et sur l’air des lampions : « Ollivier ! Ollivier ! » Quelques voix criaient : « Ollivier à la lanterne ! Vive la République ! » On entendit même le cri de : « Vive la Prusse ! » Cette bande alla encore sous mes fenêtres en hurlant toujours : « Des nouvelles ! des nouvelles ! » Les troupes de police l’avaient repoussée. Obligée de rebrousser chemin, elle remontait le boulevard, accentuant ses clameurs et vociférant : « A bas Ollivier ! »

Pietri et moi donnâmes nos ordres. Mais nous ne pouvions pas en donner à Metz comme à Paris, et, dans une détresse inexprimable, pendant que des rapports rassurans nous annonçaient le calme rétabli dans la ville, nous attendions ce qui allait fondre encore sur nous du quartier général, en arpentant, d’un pas fiévreux et sans rien nous dire, un grand salon de réception, faiblement éclairé par une petite lampe. Vers minuit Chevandier nous télégraphie d’accourir immédiatement place Beauvau.

Nous y fûmes en un instant ; nos collègues y étaient déjà Tout bouleversé, Chevandier nous lit la dépêche suivante : « Frossard a été obligé de se retirer ; Mac Mahon est battu ; élevons-nous à la hauteur des circonstances ; mettez Paris en état de défense ; déclarez l’état de siège. » En d’autres termes : « Tout est perdu, la capitale même est menacée. » Après six jours de campagne ! Quel cauchemar ! Nous demeurâmes d’accord qu’il fallait d’urgence prendre nos dispositions, et nous mettre en état de recevoir le choc de Paris, lorsque à son réveil il apprendrait ce qu’était en réalité cette victoire qu’il avait la veille célébrée avec tant de délire.

Je télégraphiai à l’Empereur : » Nous resterons à la hauteur des circonstances ; nous allons aviser, mais je conjure Votre Majesté de nous envoyer des détails, quels qu’ils soient. Si nous n’avons comme nouvelles que la dépêche vague de Votre Majesté, il y aura un soulèvement dans Paris. Au nom du ciel, des détails tout de suite. » Plichon courut chercher le général Chabaud-Latour, chargé des fortifications, et Trochu, l’oracle de la plupart de mes collègues. Les membres du Conseil privé et les présidons des Chambres furent convoqués[1].

La réunion complète, nous nous occupâmes d’abord d’assurer

  1. Voyez Empire libéral, t. XV.