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dépêche du maréchal de la présence de Metman à Bening, il demande directement à ce général de se porter immédiatement à son secours.

Les Prussiens s’avançaient en effet contre les hauteurs du Kaninchensberg, mais non en nombre aussi considérable que le croyait Frossard, puisqu’il ne s’agissait que d’une colonne de l’avant-garde de la XIIIe division. La position n’avait d’autres défenseurs que deux escadrons du 12e régiment de dragons et une centaine de soldats du génie. L’approche de la colonne prussienne signalée, le lieutenant-colonel Dulac fait mettre ses dragons à pied et les dispose avec les hommes du génie dans les tranchées établies sur le Kaninchensberg (7 heures), et il envoie un officier prévenir Frossard. Celui-ci, sans même attendre comment va se dénouer l’affaire, perd de nouveau la tête et cette fois ordonne la retraite (7 heures). Il lance une dernière dépêche sibylline à Bazaine (7 h. 22) : « Nous sommes tournés par Wehrden ; je porte tout mon monde sur les hauteurs. » Il gagne, en effet, les hauteurs, et dès huit heures il prend le chemin de Sarreguemines, afin, dit-il, de préparer les emplacemens de ses troupes.

La nécessité de la retraite admise, il n’y avait raisonnablement à opter qu’entre la direction sur Saint-Avold et celle sur Cadenbronn. Les deux routes étaient ouvertes ; la seconde colonne de l’avant-garde de la XIIIe division allemande n’était pas encore arrivée sur Emersweiller et n’était pas de force à empêcher nos trois divisions de s’engager sur la route de Saint-Avold. Frossard était convaincu qu’il était cerné par là, mais il lui était impossible de croire qu’il le serait sur la route toujours ouverte des hauteurs de Cadenbronn. Et cependant il se détourne de cette route et se dirige sur Sarreguemines.il savait pourtant, depuis le matin, que l’ennemi n’en était pas éloigné. Il n’avait donc pas à hésiter, pas même à délibérer : à Cadenbronn les renforts français ; à Sarreguemines les menaces allemandes ; c’est vers les menaces allemandes qu’il va.

Un général qui commet une telle inadvertance n’a plus son bon sens. Les circonstances qui accompagnent sa retraite ne le prouvent que trop. Sans souci de ce qu’un chef doit à ses hommes, il condamne aux fatigues exténuantes d’une marche précipitée de nuit les troupes qui ont marché une partie de la nuit précédente, et qui ont combattu sans manger toute la