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abandonnée par nous, qui a vaincu la doctrine linéaire de position à laquelle nous étions revenus en sautant par-dessus l’épopée napoléonienne.

Certes, parmi nos chefs de 1870, il en fut de légers, incapables, négligens, et même stupides, je n’en disconviens pas. Dans quelle machine immense, telle qu’une armée exigeant un si grand nombre de moteurs, n’a-t-on point compté des non-valeurs ? Il est certain encore que, parmi les généraux qui n’étaient ni incapables, ni superficiels, ni négligens, ni stupides, il en est qui se sont trompés, ont mal jugé, fait trop ou pas assez, regardé à gauche tandis qu’il fallait voir à droite. Peut-on exiger des Mac Mahon, des Bazaine, des Canrobert, des Ducrot, une infaillibilité dont n’ont pas été dotés les Turenne, les Frédéric, les Napoléon ? Ce n’est donc pas dans les ignorances des types inférieurs, ni dans les défaillances passagères des supérieurs les plus capables qu’il est juste de chercher ce qu’ils appellent la doctrine d’une armée. C’est d’un ensemble de faits qu’il convient de l’induire. Or de cet ensemble de faits bien étudiés il ressort que, sur les points essentiels, la doctrine de notre vieille armée ne différait pas de celle dont les modernes prétendent être les révélateurs.

A Wœrth et à Forbach, la lutte a-t-elle été entre deux doctrines, lutte dans laquelle la bonne a vaincu la mauvaise ? Les Prussiens l’ont-ils emporté parce que leurs doctrines stratégiques, tactiques, étaient supérieures aux nôtres et impliquaient une initiative et une offensive que nous avions oubliées ? La stratégie prussienne, dit-on, n’avait qu’un objectif : rechercher l’armée ennemie, l’aborder, la détruire ; la stratégie française, revenue aux procédés de guerre des XVIIe et XVIIIe siècles, se préoccupait surtout des positions à défendre. On aurait beaucoup étonné Napoléon III si on lui avait raconté que lui, admirateur jusqu’au fétichisme de toutes les maximes de son oncle, s’était dirigé d’après la méthode des XVIIe et XVIIIe siècles. Sans doute, il n’a pu se décider, tout en disant sans cesse qu’il le voulait, à aborder l’armée ennemie, mais il n’a jamais pensé à faire la guerre de positions. S’il eût été partisan de cette guerre, il se serait établi sur le plateau de Cadenbronn ou sur celui des Hayes, et là aurait attendu l’ennemi en position défensive. Mais il ne s’est pas plus établi sur ces positions que sur quelque autre ; il s’est promené à travers toutes, sans plan fixe, sans s’arrêter sur aucune. Sa