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fontaines sur les places de la ville, dans les cours des palais et les jardins des villas. Sur la seule place de Saint-Pierre, le Bernin fait sculpter par ses élèves plus de 160 statues pour surmonter sa Colonnade.

Les sculpteurs romains semblent ne plus pouvoir suffire à de tels travaux, et nous voyons à ce moment se joindre à eux plusieurs sculpteurs français, des artistes qui, venus à Rome pour étudier à l’Ecole créée par Colbert sur les conseils du Bernin, ne peuvent plus se résoudre à quitter cette ville où ils se font vite une très belle place, tels Monnot, Théodon, Le Gros et plus tard Michel-Ange Slodtz.

Les successeurs du Bernin sont aujourd’hui fort négligés par les historiens d’art, et cependant la sculpture italienne du XVIIIe siècle a créé encore bien des chefs-d’œuvre. Je voudrais ici en citer quelques-uns. Ce sont à Rome les statues des façades de Sainte-Marie Majeure, de Saint-Jean des Florentins, de Sainte-Croix in Jérusalem, celles de la Fontaine Trevi, du Palais de la Consulta, surtout celles du Palais del Grillo ; et un artiste doit être cité hors pair, Filippo Valle, le délicieux auteur des Tombeaux d’Innocent XII et du cardinal André Corsini et du grand bas-relief de l’Annonciation à Saint-Ignace. Dans le Sud de l’Italie, c’est à Palerme l’art du Serpotta, et à Naples l’art de Sammartini, remarquable surtout dans les statues du transept de l’Eglise de l’Annunziata[1]. A Florence, c’est Spinazzi, le maître délicieux qui a sculpté la Tombe de Machiavel et un Ange sur la Porte centrale du Baptistère. Mais c’est Venise qui semble alors prédominer à la suite de Rome, avec les statues de la façade et du maitre-autel de la Sainte, les statues de l’intérieur des Scalzi et des Jésuites, et celles de Bonnazza à SS. Giovanni e Paolo (Chapelle du Rosaire, et groupe de la Victoire sur la Tombe du doge Venier).

Cet art, il est vrai, n’égale pas celui du XVIIe siècle, mais il a une valeur qu’on ne saurait méconnaître, et c’est lui qui, à la fin du siècle, aboutira à l’art de Canova.

  1. Les livres sur la sculpture italienne du XVIIIe siècle sont trop rares pour que je ne signale pas une belle publication récente : Le Scolture e gli Stuchi di Giacomo Serpotta, par Rocco Lantini, avec une monographie d’Erneste Basile et une préface de Corrado Ricci. A consulter aussi le beau recueil de documens sur l’Architecture baroque en Italie, de Corrado Ricci.