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Afin de réussir dans un tel art, une qualité était indispensable, il fallait avant tout être un coloriste, et ce n’est pas encore assez dire, il fallait être un maître dans la clarté du coloris. Pour comprendre la particularité et la prodigieuse beauté de l’art de Pierre de Cortone, il faut dire ici ce que nous devons entendre par le mot coloris. En n’employant jamais ce mot que pour parler des Vénitiens, peut-être en avons-nous perdu le véritable sens, et ne nous rendons-nous plus compte de ce qu’il y eut de vraiment merveilleux au point de vue du coloris dans les fresques de l’école florentine. C’est la fresque qui fait l’exceptionnel mérite de la peinture italienne. Les Italiens n’ont jamais bien connu le procédé de la peinture à l’huile, et ne sont jamais parvenus à égaler ni un Van Eyck, ni un Rubens, ni un Rembrandt. Ils sont malhabiles dans cet art des longs travaux qui veulent être repris et exigent tant de science en vue de ces reprises. Préparant mal leurs toiles, se servant mal des huiles et des vernis, abusant des couleurs qui ne sèchent pas, qui se dénaturent et s’assombrissent avec le temps, les Italiens ont fait des œuvres qui ne ressemblent plus que de très loin à ce qu’elles étaient primitivement. En particulier, les peintures de l’école bolonaise sont presque méconnaissables, et Pierre de Cortone lui-même n’a pas échappé à ce malheur. Aujourd’hui, il faut bien se garder de le juger d’après ses tableaux si l’on veut comprendre ce qui fait sa vraie grandeur.

En Italie, les Vénitiens, grâce à leurs relations avec les peintres des pays du Nord, avec ces maîtres flamands qui avaient découvert les secrets de la peinture à l’huile, créèrent dans l’art de la peinture à l’huile des œuvres bien supérieures à celles des autres écoles italiennes et, très justement, à s’en tenir à ce seul point, on peut dire que l’école vénitienne fut la plus grande école coloriste de l’Italie. Mais si l’on regarde les peintures à fresque et les peintures a tempera des primitifs, le jugement ne saurait plus être aussi absolu ; et s’il faut reconnaître que la peinture à l’huile des Vénitiens a des tons plus profonds, des rouges plus ardens, si elle peut obtenir des modelés plus savans, il n’en reste pas moins qu’elle est toujours un peu noire et opaque, qu’elle ne nous est parvenue souvent que très altérée et qu’une fresque florentine, par comparaison, est un véritable bouquet de fleurs, un hortus deliciarum pour la joie suprême de nos yeux.

En France, nous sommes peu familiarisés avec la fresque, et