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nous ne pouvons pas comprendre que les fresquistes ont été par excellence les peintres de la fraîcheur et de la délicatesse du coloris, eux qui n’ont pas de couleurs opaques, pas de noir sur leur palette, et qui peignent sur des surfaces humides qui adoucissent les contours et suppriment toute dureté. Rien au monde n’est d’un coloris plus charmant que les fresques de Mazzolino à Castiglione d’Olonna, les Mages de Gozzoli à la chapelle Riccardi, les fresques de Saronno par Luini et celles de la villa Lemmi par Botticelli, le Chœur de Ghirlandajo à Sainte-Marie Nouvelle, la Sixtine de Michel-Ange, ou les trois Vertus de Raphaël, à la Chambre de la Signature.

Tout cela c’est l’art auquel Pierre de Cortone va donner la beauté suprême. Par ses fresques, il fait revivre l’art des grands florentins du XVe siècle, il reprend la finesse de leurs teintes adoucies, mais il parvient à y introduire des notes plus vives et plus chantantes, et il sait plus que tout autre, sur un ensemble en sourdine, faire éclater la fanfare des couleurs. Nul n’a connu. comme lui l’art de faire vibrer, sur des fonds nacrés, sur des tons gris tendre, sur des mauves et des lilas, la note aiguë d’un jaune citron ou d’un bleu d’azur ; et nul n’a eu le même art de voiler les figures, et de laisser atténuer la lumière d’un regard dans la pénombre d’un visage. On comprend que Prud’hon ait été impressionné par un tel art ; et même si nous ne connaissions pas la belle copie qu’il a faite du motif central de la voûte du Palais Barberini, copie aujourd’hui au musée de Dijon, nous n’hésiterions pas, en voyant ses peintures, avec leur charme féminin, leur mystère voluptueux, leur grâce juvénile, à le reconnaître pour un descendant de Pierre de Cortone. Au milieu de la sévère école néo-classique, si hostile à l’art du XVIIe siècle, c’est un peintre inspiré de cet art qui fait renaître les joies de la vie.

L’art de Pierre de Cortone, nous pouvons le juger à Rome, dans toute l’ampleur de sa fougue décorative aux plafonds de la grande nef et de la sacristie de la Chiesa nuova et, dans des teintes plus chaudes, au grand plafond du Palais Barberini, où, sans fragmenter sa composition, il crée une des plus vastes et des plus admirables ordonnances qu’un peintre ait jamais dessinée. Mais son grand chef-d’œuvre au point de vue décoratif est à Florence, dans les plafonds des grandes salles du Palais Pitti, où il a donné des modèles non surpassés, par la beauté des encadremens et l’alliance de la peinture avec le décor