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dit-il, ont publié sur la cote de la Libye extérieure au détroit, est un tissu de fables et de mensonges. » Et n’oublions pas que la région maritime a toujours été, dans l’antiquité comme aujourd’hui, la partie la mieux connue du Maroc.

Les Marocains ont été de tout temps fort peu hospitaliers et aussi défians que possible vis-à-vis des étrangers ; les Carthaginois, qui détenaient sur le littoral de l’Atlantique le monopole du commerce, en avaient fait depuis longtemps l’expérience. Pour ne pas alarmer leurs cliens, ils devaient avoir recours à mille précautions. Voici quel était leur procédé traditionnel : ils débarquaient, déposaient leurs marchandises sur le rivage, puis regagnaient leurs navires d’où ils donnaient le signal au moyen d’une colonne de fumée. Les habitans du pays arrivaient, plaçaient à côté des marchandises la quantité d’or qu’ils offraient en échange et se retiraient dans l’intérieur. Les Carthaginois revenaient. Si la somme offerte leur paraissait suffisante, l’affaire était conclue. Ils prenaient l’or et s’en allaient. Sinon, ils remontaient encore sur leurs vaisseaux et attendaient de nouvelles offres. Les indigènes reparaissaient sur le rivage, ajoutaient une nouvelle quantité d’or, et le même manège se reproduisait jusqu’à ce que l’on fut pleinement d’accord. A défaut de cordialité, le système supposait au moins chez les habitans une honnêteté qui est tout à l’éloge des Marocains d’autrefois.

Quant à l’intérieur du pays, une piquante anecdote nous montrera combien il était difficile d’y pénétrer. L’explorateur Eudoxe, dont il a été déjà question plus haut, avait conçu le projet de gagner l’Inde par mer. Il se rendit auprès du roi de Maurétanie, Bogud, pour lui demander de faire les frais de l’expédition. Mais les conseillers du souverain marocain veillaient. « Ils surent lui faire peur, nous dit Strabon, des entreprises qui pourraient être dirigées contre ses Etats, une fois qu’il en aurait ainsi montré le chemin à des étrangers ambitieux et entreprenans, » et ils le décidèrent à exiler l’indiscret dans une île déserte. Eudoxe prévenu se le tint pour dit et se hâta de prendre la fuite. Il est superflu d’ajouter qu’on ne le revit plus au Maroc. Les ancêtres des sultans modernes n’ont pas attendu l’islamisme pour fermer systématiquement leur pays aux étrangers. Les Anciens ont déjà pu s’apercevoir avant nous que la pénétration pacifique au Maroc était une chimère. Pour que le