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délicate avec un royaume agrandi et l’alliance des maîtres du monde, mais c’étaient là des avantages qu’il payait fort cher en réalité. Le pays tombe dans la sphère d’influence romaine, et le titre d’allié, donné à son roi, déguise mal un vasselage qui va devenir plus étroit de jour en jour. Avec la chute de Jugurtha s’ouvre dans l’histoire du Maroc une période nouvelle, celle du protectorat romain, qui durera cent cinquante ans et aboutira, sous l’empereur Claude, à l’annexion pure et simple.

Au moment même où les Romains intervenaient ainsi pour la première fois dans les affaires marocaines, les guerres civiles allaient commencer. Les princes berbères, cliens de Rome, devaient fatalement se trouver mêlés aux luttes des partis, ils y apportent leurs rivalités personnelles, profitent de l’anarchie croissante pour réaliser leurs convoitises ou assouvir leurs haines, et les prétendans, — les Roguis, — qui, en temps de crise, n’ont jamais fait défaut sur la terre africaine, surgissent de toutes parts. L’un d’eux, Ascalis, se soulève contre Bogud, le successeur de Bocchus. Aidé d’aventuriers et particulièrement d’une bande de ces pirates qui pullulaient alors dans la Méditerranée, il réussit à mettre la main sur la capitale Tanger. Mais si les usurpations ont toujours été fréquentes au Maroc, elles sont généralement restées éphémères. Un partisan de Marius, Sertorius, proscrit par Sylla, vint débarquer sur la côte marocaine, reprit Tanger et fit Ascalis prisonnier. Bogud, ainsi délivré de son rival, ne devait pas tarder à recouvrer sa capitale.

La situation se compliqua encore à la mort de Bogud. Son royaume fut partagé entre deux souverains, sans doute ses deux fils : l’un d’eux, Bogud II, reçut le domaine traditionnel de la monarchie, le Maroc, de l’Atlantique aux rives de la Moulouïa ; l’autre, Bocchus II, la Maurétanie orientale, lambeau arraché à l’ancien patrimoine de Jugurtha. Voisins et rivaux, jaloux de s’agrandir et de se dépouiller mutuellement, les deux princes attendaient impatiemment une occasion favorable. L’anarchie grandissante à Rome, la rivalité de César et de Pompée, la guerre civile, ne tardèrent pas à la leur fournir. Bogud, d’ailleurs, n’eut pas à s’applaudir des événemens. Il n’y gagna que vingt années d’aventures, la perte de son trône et une fin misérable.

En 47, nous le trouvons en Espagne où il vient soutenir la cause de César ; en 46, César débarque en Afrique pour y combattre les débris du parti pompéien déjà vaincu à Pharsale.