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à Rome où il reçut l’éducation complète et raffinée des jeunes aristocrates du temps. Ce Berbère, à l’intelligence prompte et déliée, se passionna pour une civilisation qui se révélait à lui dans tout son éclat. C’est à Rome qu’il prit ce goût des lettres, des sciences et des arts, qui lui assure dans la lignée des princes africains une place exceptionnelle. Auguste, dont il avait attiré l’attention, lui fit épouser une fille de Cléopâtre et, pour l’exercer au maniement des affaires d’Afrique, il lui confia le gouvernement de l’Egypte. Quelques années plus tard, il le nommait roi de Numidie. Enfin, en 25 av. J.-C, il le transférait en Maurétanie pour y régner sous la suzeraineté romaine.

L’Empereur n’eut qu’à s’applaudir de sa décision et de son choix. Pendant quarante-huit ans, Juba gouverna habilement son royaume, s’efforçant de faire pénétrer l’influence romaine dans le pays et préparant graduellement l’annexion future. Sous son règne, la région marocaine commença à être explorée systématiquement. Des expéditions maritimes allèrent reconnaitre les îles Fortunées (Canaries) et découvrir les lies de Pourpre (archipel de Madère). Ptolémée, fils et successeur de Juba, poursuivit sa politique. Lors de la révolte de Tacfarinas dans le Sud Algérien, il seconda de son mieux les généraux romains. Mais il fut bien mal récompensé de sa fidélité. En 40 ap. J.-C. au cours d’un voyage à Rome, Caligula le fit assassiner pour s’emparer de ses richesses.

A cette nouvelle, les peuplades du Maroc se soulevèrent. Maures, au Nord et à l’Ouest, Gélules, au Sud, soutinrent contre les Romains une lutte acharnée, vraie guerre d’indépendance marocaine qui devait durer trois ans. Un certain Ædemon, esclave affranchi, prit la direction du mouvement. Il fallut pour le réduire envoyer plusieurs expéditions romaines, les premières qui aient pénétré sur le territoire marocain. Ædemon dut se soumettre, mais d’autres continuèrent à résister dans la montagne et aux confins du désert. En 41, une colonne volante sous les ordres de Suetonius Paulinus fut réunie pour en finir. Le général romain, sans doute par la vallée de la Haute Moulouïa, atteignit l’Atlas en dix journées de marche, traversa de part en part la région montagneuse et même la dépassa de plusieurs milliers de pas. Sur le versant saharien, il s’avança jusqu’à un fleuve nommé Ger, l’oued Guir actuel, le même que nos colonnes algériennes ont retrouvé à Igli. L’expédition de