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au point de vue stratégique et commercial étaient les plus importantes, devinrent des centres de défense. Tantôt on utilise d’anciennes fortifications carthaginoises, comme à Lixus (Laacher), tantôt on en construit de nouvelles, comme à Tabernæ (Lella Djilaliya), à Frigidæ (Soueir) sur la route de Larache à Sala, comme à El Benian sur la route de Tanger à Tetouan, dans la vallée de l’oued Mharhar. Ces postes fortifiés, échelonnés tout le long des grandes voies romaines, offraient un autre avantage. Ils isolaient les peuplades maures, dressaient entre elles des cloisons qu’elles pouvaient difficilement franchir et, s’ils ne pouvaient l’empêcher, localisaient au moins la révolte. En dehors des grandes voies, dans les mailles du réseau routier, s’élevèrent des réduits fortifiés moins importans où les colons venaient avec leurs esclaves, leur bétail, leurs richesses, chercher un abri en cas de soulèvement imprévu. Ajoutons enfin que les fermes, les habitations isolées étaient construites de manière à pouvoir repousser une attaque et arrêter les agresseurs jusqu’à l’arrivée des secours. Comme nos colons d’Algérie, les Romains ont dû vivre au Maroc avec le souci constant de a défense et la préoccupation obsédante du lendemain.

Rome a longtemps hésité au Maroc entre le régime du protectorat et le régime de l’annexion. Le protectorat, sauf une courte période d’annexion sous Auguste, s’y est maintenu jusqu’au règne de Claude, c’est-à-dire jusqu’à une époque où l’ensemble du bassin méditerranéen, la Gaule et les régions danubiennes étaient déjà devenus provinces romaines. Il y avait à ce fait des raisons générales et des raisons particulières. Le régime du protectorat est économique et souple, il n’exige de la puissance souveraine que le minimum d’intervention, tous avantages auxquels la politique romaine s’est toujours montrée fort sensible. De plus, on se trouvait au Maroc en présence d’une population, remuante, très éprise de son indépendance et résolument hostile à toute pénétration étrangère. Enfin, raison qui, chez une nation pratique comme l’était le peuple romain, n’était pas la moins importante, le pays passait pour ne pas mériter de bien grands sacrifices. Le géographe Pomponius Mêla, qui vivait au Ier siècle de l’Empire et qui se fait l’écho de l’opinion générale, s’exprime sans enthousiasme sur le compte du Maroc : « La Maurétanie présente peu d’intérêt