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et n’a presque rien de remarquable. On n’y voit que de petites villes et de petites rivières. Son sol vaut mieux que ses habitans, qu’une lâche inertie fait languir dans l’obscurité. »

Le protectorat présentait donc aux yeux des Romains le maximum d’avantages avec le minimum d’inconvéniens, et l’on comprend, dans ces conditions, que Rome ait retardé autant que possible la redoutable échéance de l’annexion. Lors même que les circonstances eurent imposé cette annexion, les empereurs eurent soin de réduire à sa plus simple expression l’organisme administratif de la province nouvelle. La Tingitane ne fut classée ni dans les provinces sénatoriales, ni dans les provinces impériales d’ordre supérieur placées sous les ordres d’un légat. Elle fut reléguée au rang des provinces inférieures, comme l’Epire ou les provinces alpestres, et le personnel romain y fut réduit au minimum. L’Empereur s’y faisait représenter par un gouverneur, choisi par les chevaliers, qui portait le titre de procurateur et concentrait entre ses mains tous les pouvoirs : militaire, civil et judiciaire. Il y a plus. Beaucoup d’autres provinces placées tout d’abord au même rang que la Tingitane s’élevèrent graduellement dans la hiérarchie des provinces romaines ; ce fut le cas, par exemple, pour la Rhétie, le Norique et la Thrace. La Tingitane, elle, conserva toujours son régime initial. Les Romains jugeaient que le mauvais esprit de sa population et son peu de ressources ne méritaient pas davantage.

Dans les régions les moins sûres, les plus remuantes de la province, notamment dans le Sud Marocain, il devait exister une organisation analogue à celle de nos bureaux arabes du Sud Algérien. Le fait est attesté pour la province limitrophe de Maurétanie Césarienne. Rome plaçait à côté des chefs indigènes un officier romain avec le titre de préfet. En temps de paix, il surveillait les chefs de tribus, comme nos officiers de bureaux arabes, les caïds ou les cheikhs ; en temps de guerre, il procédait à la levée des contingens extraordinaires, — l’équivalent de nos goums — et en prenait le commandement supérieur. La situation était la même dans le Sud Marocain que dans le Sud Algérien ; il est logique de conclure que la même organisation a dû y être introduite.

Que demandait Rome à ses sujets marocains ? Deux choses auxquelles elle tenait beaucoup : de l’argent, des soldats. De