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aux plus hauts grades de l’armée ; tel Lusius Quietus, un Maure de naissance, chef de tribu, qui commanda dans la guerre de Dacie le contingent fourni par ses compatriotes et devint un des généraux préférés de Trajan.

Les Berbères du Maroc étaient déjà, comme aujourd’hui, d’incomparables cavaliers. « Leurs cavaliers, nous dit Strabon, guident leurs chevaux avec une simple corde qui leur tient lieu de mors et les montent toujours sans selle... Ils se servent tous des mêmes petits chevaux, si vifs, si ardens et avec cela si dociles, puisqu’ils se laissent conduire avec une simple baguette. On leur passe au cou pour la forme un harnais léger, en coton ou en crin, auquel est attachée la bride, mais il n’est pas rare d’en voir qui suivent leurs maîtres comme des chiens, sans qu’on ait besoin d’une longe pour les tenir en laisse. » Ces Berbères avaient la tête chaude, le goût des aventures, aimaient la guerre et le pillage. Constitués en corps de cavalerie indépendante, ils firent, au service des empereurs, campagne sur toutes les frontières de l’Etat romain.

La cavalerie maure occupe une place exceptionnelle dans le livre d’or de l’armée impériale. Sur le Rhin, sur le Danube, sur l’Euphrate, partout elle fraie la route des légions et tient l’ennemi en haleine. Trajan, lorsqu’il entreprend la conquête de la Dacie, une des guerres les plus dures et les plus acharnées de l’Empire, emmène avec lui un corps nombreux de cavaliers africains. Ils rendirent de tels services que l’Empereur, après les avoir vus à la peine, voulut les mettre à l’honneur. Il les a immortalisés en les associant à sa gloire sur les marbres de la colonne Trajane. Nous les y voyons en pleine action. La bataille est engagée. Les Maures se lancent sur l’infanterie légère des Daces au galop de leurs petits chevaux. Leurs jambes nues serrent nerveusement le flanc des montures. Comme vêtemens, ils ont une simple tunique aux plis bouffans, serrée à la taille et attachée sur l’épaule par une agrafe ; comme armes, une lance et un petit bouclier rond. Selon la mode nationale, leurs cheveux frisés retombent en longues boucles autour de la tête. Plus tard, au IIIe siècle, lors de la grande crise qui faillit emporter l’Empire, nous les retrouverons en Orient combattant la reine de Palmyre Zénobie et luttant, à côté des solides légions danubiennes, pour la cause de la civilisation romaine prématurément compromise.