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Zuloaga, les féeries signées Rackham, je ne dis pas qu’on priverait le Salon de purs chefs-d’œuvre, mais on le dépeuplerait de presque toutes les figures ou les choses qui lui donnent sa physionomie.

Ce qui reste tiendrait en une salle. Elle serait encore intéressante si l’on pouvait isoler de la foule et y grouper les toiles où M. Le Sidaner prolonge pour nous des minutes délicieuses, ces effets de crépuscule enflammé, saisis presque comme des instantanés (salle XVII), ou encore ce lumineux souvenir d’un dimanche d’été aux Prés Saint-Gervais, et de la foule parisienne alerte, gaie, insouciante, devant « le ballon qui descend » par M. Lepère (salle IV bis) ; ce portrait de jeune femme, une harmonie mauve et jaune citron par M. Guiguet (même salle IV bis) où se voit le modelé fin et tout en retrait d’Holbein ; ces paysages de la Baie de la Somme de M. Braquaval (salle XIII) délicats et nuancés comme des Van Goyen ; ces Intérieurs de Mme Germaine Druon (salle VI) pleins de recueillement et de charme ; ces coins de Venise (salle III) où M. Abel Truchet trouve le moyen de nous montrer, sous un nouvel aspect, la cité aux mille visages, cette toile éclatante (salle XVIII) où M. Roll a su « affronter » non seulement deux chevaux, mais des couleurs furieuses avec hardiesse et bonheur ; ces Sons de flûte ou ces Chants sur l’Eau (salle VII), que M. Auburtin imagine dans un pays de songes, et ces coins de Florence (salle IV bis) que M. Marius Michel a eu la bonne pensée de peindre pour ceux qui cherchent l’âme éparse des grands Florentins d’autrefois parmi les pierres de l’Annunziata ou les gazons du Cloître vert... Hors ces quelques impressions vraiment fraiches et neuves, il y a sans doute une foule d’excellens tableaux français, avenue d’Antin, mais ils ne laissent pas un souvenir aussi profond que les étrangers.

Le Salon des Champs-Elysées, lui, est une étonnante fabrique de portraits. Il n’en est peut-être pas un seul, cette année, qui mérite le musée, mais beaucoup feront bonne figure dans un salon, convenablement éclairés, entourés d’une atmosphère bienveillante, et La Famille, que M. Guillaume groupe, érigée en jury, autour d’une effigie achevée, rendra un verdict de « non coupable » en faveur du pauvre artiste qui attend près.de son œuvre, inquiet, le des rond et la mèche désolée... Ce sont généralement des portraits de gens heureux. Ils nous regardent