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de portraits, flottent comme des plumes de chapeaux, sous un plafond qui est le ciel, et ajoutent à l’éclat chatoyant, divers, changeant de cette peinture artificielle, mais élégante, harmonieuse, divertissante, sans rien d’excessif ni de prétentieux. Chez M, Flameng, la fantaisie se nuance de mesure et ceci le distingue nettement des portraitistes devenus peut-être très « parisiens, » mais à qui le goût français est demeuré tout de même profondément étranger.

M. Marcel Baschet n’a pas entrepris une tâche aussi difficile, mais celle qu’il a faite suffit à la gloire d’un portraitiste. Déjà maître incomparable dans les portraits d’hommes, il montre, cette année, dans son Portrait de Mme de J… (salle 25), une telle supériorité, que, de bien loin, dès qu’on aperçoit cette œuvre, on y va comme à un foyer qui rayonne sur l’immense Salon. Le dessin impeccable, le rythme des lignes, l’harmonie colorée semblent chez lui les effets de l’art le plus facile et le plus dénué d’effort. Qu’ils le soient, en réalité, c’est ce que je n’oserais pas dire, mais si c’est une illusion, c’est encore un singulier mérite de l’artiste que (de nous la donner.

On ne peut en dire autant de M. Gabriel Ferrier ; ses toiles sentent le travail et le procédé, mais « qu’importe la recette, si le pudding est bon ? » dit le proverbe. Le portrait de M. Sedelmeyer (salle 41) est excellent, quoique artificiellement plongé dans l’ombre et cette apparition, à la manière de Rembrandt, demeure fixée dans le souvenir. Celui de M. Bonnat, par M. Etcheverry (salle 2), non plus, ne s’oublie point, — et c’est justice qu’après avoir fixé la ressemblance de tant de bons travailleurs, d’hommes de peine et de pensée au XIXe siècle, le maître ait trouvé, pour fixer la sienne, un témoin aussi véridique et attentif que M. Etcheverry. M. Bonnat est surpris dans l’exercice de ses fonctions, qui sont de scruter les physionomies humaines et d’aller chercher dans le cycle de ses couleurs celle qui remplira le mieux son dessein : son geste est juste, son œil surtout est admirable, cet œil « photographiste » à qui rien n’échappe, « l’œil du maître, » en un mot. Il y a beaucoup d’autres bons portraits, avenue des Champs-Elysées, ceux de M. Dawant, de M. Lauth, de M. Chabas, de M. Laurens, par exemple, mais, pour le caractère, celui de M. Bonnat reste, assurément, le plus impérieux.

Immense galerie de portraits, le Salon des Champs-Elysées