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apparait aussi un répertoire complet de scènes de genre et une collection mondiale de paysages. Le talent dilapide dans les « scènes de genre » est inouï : on ne saurait compter tous les épisodes de la vie pris sur le vif, parfaitement dessinés, spi- rituellement composés, et solidement peints. Mais c’est un talent dilapidé, parce que son but et son effort ne nous touchent plus. Il faut faire une exception pour l’Ex-Voto de M. Henri Royer (salle 14), très fine impression produite par la vue d’une Bretonne en prières devant l’autel, en un coin d’église ; pour la Procession de M. Guillonnet (salle 37), effet puissant et juste, et pour la scène de genre Faites donc la risette, de M. Vollon (salle 7), qui n’est pas tout à fait un Franz Hals, mais qui a le rare mérite de nous y faire penser.

Quant aux paysages, à voir tous les peintres au travail, tous les chevalets dressés pour les saisir, il semble qu’aucun aspect de la nature ne devrait nous échapper. Il y en a pourtant, qui nous échappent : ainsi, la haute montagne, les glaciers, les crevasses, les aurores sur la neige, les petits lacs formés au creux des cratères, l’âpre poésie et la fine atmosphère de ces altitudes où toute végétation s’arrête, l’éclat qu’a toute chose touchée par le soleil, au-dessus des nuages, au-dessus des brumes, dans un air semblable à l’éther. Très rarement, un artiste les aborde : plus rarement encore, il les conquiert. Aussi, est-ce une joie pour ceux qui aiment la montagne, de découvrir, cette année, parmi des milliers de paysages, qui n’apportent aucune impression nouvelle, celui que M. Communal appelle Le lac Long et les rochers de la Glière, Vanoise (salle 26).

C’est un de ces spectacles admirables et sévères comme la nature en ordonne, sur les hauts sommets, — pour elle-même, car ils n’ont guère de témoins, — avec les rochers, les glaces, les neiges, les eaux ramassées au creux des gorges, les lumières éparses dans le ciel. Rendre cela est presque impossible. M. Communal, qui a observé ces effets dans son pays, la Savoie, qui ne l’a jamais quitté, qui s’est dévoué à les reproduire, y est parvenu par un prodige de ténacité, et grâce à un métier extraordinaire. C’est une peinture truellée, presque entièrement exécutée au couteau à palette, juxtaposant des tons crus qui s’harmonisent à distance et impressionnent l’œil comme les plus hautes vibrations lumineuses. Elle rend bien la masse pesante de l’Alpe, le biseau vert du glacier, le vide du gouffre, le frissonnement des ombres.