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l’arête de l’aiguille avec un éclat agatisé de pierres précieuses.

Depuis longtemps, on n’avait vu, dans la peinture de paysage, une tentative aussi hardie, aboutissant, par des moyens aussi personnels, à un résultat aussi éclatant. Les bons paysages ne manquent pas aux Champs-Elysées, non plus que les bons portraits. M. Warren Eaton a un effet de neige (salle 10) tout à fait juste et pénétrant. M. Paulin Bertrand rend la lumière argentée de la Provence sur les oliviers et sur la mer avec une finesse et une précision impeccables, dans son Golfe de Giens (salle 21) comme il l’avait déjà fait dans ses études de Carqueiranne, et au Midi de convention qu’on montre trop souvent dans nos Salons, il substitue une harmonie vraie comme celles que compose la nature autour des iles d’or. M. Lannes échafaude à merveille les nuages des ciels du Nord (salle 7) ; mais nul d’entre eux ne donne le choc de l’imprévu comme M. Communal.

Et chose remarquable : M. Communal, qui nous apporte, comme M. Rackham, une vraie découverte dans le monde de la nature et un métier franchement nouveau, n’a, pas plus que M. Rackham, fait de manifeste, ni de théorie sur son art, tandis que nous voyons les auteurs des théories les plus ingénieuses sur la rénovation de la peinture, dans les temps futurs ou « futuristes, » par l’heureuse intervention des formes géométriques, ne nous apporter rien ; je veux dire rien qui vaille.

C’est que les théories sur l’art ne lui ont jamais fait aucun bien, mais qu’elles peuvent lui faire du mal. On n’a jamais vu un artiste, enseigné par une thèse en Sorbonne, trouver un nouveau rapport de tons ou un geste heureux, mais on voit souvent de naïfs travailleurs dévoyés par les opinions superficielles et les généralisations précipitées qui composent le fond de ce qu’on appelle l’Histoire de l’Art et les Esthétiques. Telle, la théorie que toute forme est également belle, tout costume également plastique et que le moderne, comme l’ancien, est digne des respects du statuaire, — le « droit au bronze » en un mot. Cela s’est soutenu autrefois par de très mauvaises raisons, mais les raisons eussent-elles été cent fois meilleures, l’expérience s’est chargée de nous en montrer le néant. Voici près de soixante-dix ans que des statuaires de bonne volonté s’acharnent à résoudre l’insoluble problème. Les exemples couvrent toutes les places publiques de l’Europe. Pas un ne donne raison à la théorie « moderniste, » et il n’est de supportables, parmi ces vêtemens ajustés, que ceux