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laquelle je répondais chaque jour par les faits me surprit : « Absolument, répondis-je, et sans réserve. — Êtes-vous prêt à demander à la Chambre de pleins pouvoirs ? — Certainement ; mais en ce moment, c’est prématuré et susciterait quelques ombrages. Lorsque les lois que nous allons proposer auront été votées, l’état de siège nous donnera tous les pouvoirs nécessaires ; nous sommes prêts à les exercer. » Elle parut convaincue et me le témoigna par quelques délicates attentions. Craignant de m’enrouer, je la priai d’ordonner qu’on fermât une fenêtre faisant courant d’air ; elle se leva gracieusement, alla la fermer elle-même ; enfin elle marqua qu’elle tenait à nous conserver, en me priant de ne pas poser la question de Cabinet. Je le lui promis.

J’étais à peine revenu place Vendôme que de Pierres, ancien écuyer de l’Impératrice resté dans son intimité, vint me demander ma démission. L’Impératrice s’était-elle jouée de moi en paraissant tenir à me garder ? Je ne le crus pas ; je vis au contraire, dans cette démarche de son écuyer, une preuve de sa sincérité, et je pensai que la Cour, qui nous était hostile, ne la déterminant pas à notre renvoi, essayait d’obtenir, d’une défaillance de notre part, ce que l’Impératrice refusait.

Dans notre conseil du soir, on s’informa de ce qu’avait répondu Trochu à Schneider et à moi. Nous racontâmes les faits, et j’ajoutai que je croirais manquer à mon devoir en conseillant de nouvelles démarches de ce côté. Je ne parlai pas de Palikao, qui n’était pas encore arrivé, et dont j’ignorais les intentions. Notre délibération fut tout à coup interrompue. Un huissier vint annoncer qu’une députation se présentait, insistant pour être reçue à cause d’une communication urgente. C’était Jules Brame, Dupuy de Lôme, André de la Charente, Josseau, Dalmas, Dugué de la Fauconnerie. L’Impératrice nous consulta du regard et nous l’engageâmes à aller recevoir ces gens si pressés.

Ils lui dirent tout d’abord que, parmi eux, deux appartenaient au Centre gauche, deux au Centre droit, deux à la Droite, et qu’en conséquence ils représentaient les diverses fractions conservatrices de la Chambre. Puis ils exposèrent qu’ils étaient chargés de réclamer le renvoi immédiat du Ministère, la nomination de Trochu au ministère de la Guerre, la nomination de Montauban au commandement de l’armée destinée à couvrir