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résistance, nous avions des forces plus que suffisantes pour les réduire. Nous étions en mesure non seulement de réprimer une émeute, mais même de soutenir une bataille en règle dans les rues de Paris.

Cette bataille, nous étions résolus à l’affronter. L’éventualité d’une répression sévère dans les rues de la capitale ne nous troublait pas. D’abord, elle était fort peu probable, et puis, il n’y avait aucune humanité à laisser le champ libre à l’émeute dans la crainte de répandre le sang de quelques traîtres. Cette répression, quelle qu’elle pût être, eût été bien douce, hélas ! en comparaison des massacres de la Commune et des représailles qui les suivirent, qu’elle eût empêchés ! Le sang répandu dans les convulsions civiles qui se mêlent à une guerre étrangère n’est pas reprochable à ceux qui défendent la patrie contre le séditieux et contre l’envahisseur ; il retombe en malédictions sur les criminels qui, au milieu des angoisses nationales, ne songent qu’à la poursuite de leurs haines ou de leurs appétits.


IX

Maurice Richard revint de Metz, le matin du 9 août à six heures, et le récit qu’il me fit de son voyage me démontra plus encore la nécessité de rappeler, d’urgence, l’Empereur. Il était parti craignant d’être arrêté à tous pas, avec un sauf-conduit du ministre de la Guerre ; il avait officiellement annoncé son arrivée, supposant que quelqu’un viendrait le recevoir ; sur la route, il avait vu un grand désordre, partout des troupes ou du matériel paraissant plus ou moins oublié dans les gares, des trains de soldats qui rejoignaient débraillés, sans capotes, montés sur les wagons, vociférant ; il n’avait trouvé personne à la gare ; il était entré dans la ville de guerre, comme dans un champ de foire ; il était allé à l’hôtel où étaient les bureaux de l’état-major. Des étrangers y circulaient ; il avait demandé une chambre, on la lui avait donnée sans s’enquérir qui il était. L’Empereur le reçut immédiatement à la Préfecture, Il connaissait la retraite de Frossard vaguement et la défaite de Mac Mahon. Il était plus affectueux que de coutume, mais désolé, gémissant, atterré par les lugubres dépêches qui arrivaient à tout instant. Outre son mal chronique, il était affecté d’un de ces rhumes de cerveau intenses qui produisent l’anéantissement de la pensée. « C’est