Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/620

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

depuis l’avènement des Jeunes-Turcs, à se louer de leurs procédés, et qui redoute pour l’Egypte le voisinage d’une Turquie forte, ne chercha pas à faire obstacle à la politique italienne d’expansion, mais plutôt à préparer une paix qui rassurât l’Europe tout en donnant satisfaction à l’Italie.

La Russie et l’Italie ont, depuis l’annexion de la Bosnie, constaté la communauté de leurs intérêts dans les Balkans. C’est à Racconigi, en octobre 1909, que, dans les conversations du Tsar avec le roi d’Italie, et de M. Isvolsky avec M. Tittoni, fut dégagée cette identité de vues des deux gouvernemens : cette constatation eut pour conséquence de fréquens échanges de vues entre les deux Cabinets. Ils souhaitent l’un et l’autre le statu quo dans les Balkans et redoutent une extension nouvelle de l’Autriche, en territoire ou en influence. Les Jeunes-Turcs n’ont rien fait pour retenir les sympathies de la Russie ; ils l’ont traitée en ennemie héréditaire, avec une défiance parfois agressive. En Perse, sous prétexte de contestation de frontières, les soldats turcs font peu à peu tache d’huile et empiètent sur la partie du territoire persan qui avoisine au Sud la Transcaucasie dont ils tournent les positions stratégiques. C’est surtout à eux-mêmes que les Jeunes-Turcs doivent s’en prendre si les efforts de M. Tcharykof pour amener le rétablissement d’une mutuelle confiance entre la Russie et la Porte n’ont abouti qu’à un échec. L’appui amical de Saint-Pétersbourg était particulièrement utile à l’Italie au moment de s’engager dans son entreprise de Tripolitaine, car la situation diplomatique de la Russie est aujourd’hui très forte. Alliée de la France, liée à l’Angleterre et au Japon par des accords et des ententes qui la garantissent, en Asie, contre toute surprise, elle voit l’Allemagne rechercher les occasions de lui prouver ses bonnes dispositions et de gagner ses sympathies : l’entrevue de Potsdam et ses suites ont montré non seulement les cordiales relations qui existent entre Berlin et Pétersbourg, mais surtout la grande place que la Russie a reconquise dans les conseils de l’Europe ; elle est établie dans une excellente position défensive où elle peut, en attendant la reconstitution de ses forces militaires et navales, exercer avec autorité, sur l’Europe et l’Asie, une influence de pacification et de conservation.

Le comte d’Æhernthal avait pour principe de traiter avec ménagemens l’Italie, son alliée. On sait avec quelle énergie et