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devant les mêmes conditions de feu et de mouvement, elles ne sentent la difficulté de confier à un seul homme le soin d’en mouvoir deux cent cinquante autres sur l’échiquier du combat. Si donc nos voisins s’en tiennent à l’état de choses existant, c’est pour les raisons de stabilité, de tradition, d’économie, qui prévalent toujours aux yeux de leur état-major conservateur. Chez nous. Français, les argumens de ce genre pèsent moins. Nos législateurs l’avaient bien fait voir, par la manière dont ils venaient d’adopter le service de deux ans. Et puisqu’il ne restait plus qu’à faire cadrer leur réforme avec l’ensemble des institutions, personne ne pouvait se plaindre que nos officiers eussent eux-mêmes l’esprit libre dans la recherche de cet accord.

On se demanda donc s’il ne conviendrait pas de revenir aux erremens d’avant 1870, à l’ancien bataillon français de six compagnies. Ce type est, aujourd’hui encore, celui de nos bataillon de chasseurs à pied : il trouva parmi eux ses défenseurs naturels et ses plus zélés partisans.

Ceux-ci opinèrent que la formation hexagonale est plus féconde que la formation carrée ; qu’avec ses six élémens de combinaison, elle a plus de souplesse sur le front, plus d’endurance quant à la profondeur, qu’elle pare mieux aux éventualités, qu’elle permet de mieux nourrir le combat. C’était témoigner que l’organisation de nos bataillons de chasseurs a été judicieuse ; mais ce n’était pas prouver tout à fait qu’elle convint à toute notre infanterie. Car si nos chasseurs doivent combattre isolés en avant de nos masses, les bataillons d’infanterie, au contraire, se juxtaposeront et s’appuieront les uns aux autres, sur le front commun. Passant cependant sur cette objection de détail, on aperçoit une difficulté plus grave dans la réalisation même du type proposé et dans la multiplication des compagnies actives jusqu’à six par bataillon.

Ici se représente l’épineuse question des effectifs. Si l’on fixe à 500 hommes l’état du bataillon sur le pied de paix, — et il y a peu d’espoir de pouvoir l’élever au-dessus de ce chiffre, — s’il faut ensuite diviser ce total par six, chacune des compagnies ne recevra plus que 83 hommes. Ce chiffre est universellement reconnu comme insuffisant aux besoins de l’instruction militaire, à la cohésion de la troupe, à la valeur des cadres, et à l’absorption des réservistes à la mobilisation. Dira-t-on qu’il est loisible de l’élever à 127 hommes, — notre effectif réglementaire