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fussent de campagne ou de place, au chiffre-base de 115 hommes, cadres compris.

Ainsi le ministre, un instant séduit par la thèse de la compagnie forte, prenait finalement parti pour la compagnie faible et se prononçait contre le système du dédoublement. Nul doute que son opinion dernière n’ait été la bonne et que la raison pratique ne penche, en effet, vers cette solution. Ses huit sapeurs-pionniers comptés dans le rang, la compagnie proposée n’a, il est vrai, que 95 hommes, mais telle quelle, et même déduction faite de ses employés, de ses indisponibles, elle existe encore militairement. Elle est un atelier de travail où les officiers s’exercent au maniement de la troupe, où les soldats se forment au contact des officiers. L’instruction individuelle des recrues s’y donne d’autant mieux que le nombre des gradés instructeurs y est relativement plus élevé. Celle des gradés n’exige que la mise sur pied d’une section de guerre (60 hommes) ; elle est donc possible avec les seules ressources de l’unité. L’instruction des officiers, celle surtout du capitaine ne peuvent plus se faire par les mêmes moyens, et il y a là une dérogation fâcheuse au desideratum si juste, posé par le règlement du 3 décembre 1904 : que l’instruction et l’éducation des gradés et de la troupe se donnent exclusivement à l’intérieur de la compagnie ; mais, dès lorsqu’il s’agit d’effectifs forts, la seule manière de les obtenir est d’emprunter du personnel à une autre unité du bataillon. Celle-ci se vide alors de tous ses hommes, à l’exception de ses sous-officiers. Le lendemain, son tour de manœuvre revient ; c’est à elle d’absorber la compagnie complémentaire, comme si elle recevait des réservistes et les incorporait aux hommes du service actif.

Ce système de complètement est celui que nos batteries de campagne emploient en ce qui concerne les conducteurs et les attelages. Il est toutefois de principe pour elles que les servans d’artillerie sont considérés comme « cadre » et ne se prêtent pas. Ceux-ci restent indissolublement attachés à leurs instructeurs. Ils doivent d’ailleurs à leurs fonctions mêmes, qui les lient et les fixent au matériel, une stabilité et, si l’on peut dire, une interchangeabilité que les soldats d’infanterie ne peuvent avoir. Ceux-ci, tant que la compagnie se suffisait à elle-même, ont reçu l’empreinte personnelle de leur capitaine. Ils échappent à son action le jour où la fusion des compagnies commence,