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Le nombre des unités élémentaires une fois fixé et l’effectif général une fois réparti entre elles, l’ordre de bataille de l’armée se trouve définitivement tracé ; mais il reste à y intercaler, aux places convenables, les gradés des diverses catégories. La langue militaire est si pauvre que le mot cadre se représente ici, dans une acception différente : il s’applique cette fois non plus au cadre-troupe, mais au cadre-commandement.

Quel doit donc être, de bas en haut, le compartimentage de ce nouveau cadre, et combien de gradés, de combien d’espèces, devons-nous donner à nos compagnies?

La suppression des caporaux avait été demandée par le général Picquart, d’après cette considération que le service de deux ans place le caporal trop près du soldat et que l’un n’a par rapport à l’autre ni une distance, ni un savoir, ni une ancienneté par lesquels il puisse aisément se faire obéir.

Il faudrait au moins, pour lui conférer un peu de prestige, le faire coucher hors de la chambrée, et par là même on en ferait un sous-officier. Voilà justement le système allemand et celui que le projet du 30 novembre 1907 voulait approprier à nos mœurs. Il proposait d’élever le nombre des sergens à douze, et de les répartir dans trois catégories : le rengagé à solde mensuelle, ayant de cinq à quinze ans de service ; le rengagé simple, entre deux et cinq ans de service ; le sous-officier non rengagé.

A la réflexion, on a jugé que notre manière française avait du bon, et que la compagnie active devait garder ses huit caporaux. L’existence d’un petit grade, inférieur au leur, présente l’avantage de rehausser un peu les sous-officiers de carrière. Il est vrai que cette autorité d’en dessous est toute petite, qu’elle ne s’exerce que dans le domaine du service intérieur et qu’elle n’y est pas d’une pratique facile. Mais, telle quelle, avec sa pointe de bonhomie et son grain de familiarité, elle est bien dans notre tradition. Elle permet d’essayer les hommes ; elle les exerce dans l’apprentissage d’une autorité qui n’est pas chez nous une délégation d’en haut, mais plutôt une émanation et un consentement d’en bas. Par ce qu’il obtient de son escouade dans le balayage de la chambre et dans l’épluchage des pommes de terre, le caporal se prouve sergent. Echouer dans la preuve