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instruits dans leur totalité : tel est l’imposant capital social auprès duquel l’armée active n’est en somme qu’un fonds de roulement. Ces masses profondes de citoyens-soldats restent le grand régulateur de notre action dans le monde, et le grand volant de notre machine politique. C’est leur effort qui travaille et leur potentiel qu’on retrouve quand, avec le levier colonial, on appuie sur le sol métropolitain pour soulever, au Maroc, le fardeau d’un nouveau protectorat. Ce sont elles, ces forces françaises, que l’étranger considère alors avec respect : il sait par expérience ce qu’elles pourraient faire, s’il les affrontait sur le sol français, et quelle valeur elles prêteraient à l’armée active dont elles soutiendraient la résistance et multiplieraient le choc.

Ainsi, par une sorte de nécessité intime et de logique immanente, notre défense nationale évolue sous nos yeux selon la marche même de nos institutions. Et certes, il eût été beau que la loi écrite marchât du même pas, que toutes les mesures relatives à l’entretien, à la mise en valeur éventuelle, au rendement maximum de nos réserves eussent suivi sans retard l’adoption du service de deux ans. Alors, la mission des officiers du cadre complémentaire serait plus précise, elle impliquerait des devoirs plus stricts, et l’habitude ne se serait pas prise, dans les régimens, de les considérer comme des oisifs et comme des gêneurs.

Cependant, ce personnel, placé en marge des formations actives, qu’il n’encadre plus, et des formations de 2e ligne, qu’il ne sait s’il encadrera jamais, est lui-même dans une sorte de position de réserve. Les convocations du régiment bis n’ont lieu que de loin en loin, pour des périodes très courtes. Dans l’intervalle, il ne reste pas tout à fait sans emploi ; mais ce qu’il peut faire est si peu de chose qu’il risque de s’y déshabituer pour toujours de l’action.

Alors mieux vaudrait, peut-être, renoncer au cadre complémentaire? S’adresser de préférence aux officiers en congé, en réserve spéciale, à de modernes semestriers, qu’on rangerait en une catégorie à part et dont on codifierait les obligations ? Les partisans de ce dernier système sont ceux qui veulent l’accélération de l’avancement et le rajeunissement des subalternes par élagage. Mais, jusqu’à présent, on n’élague pas, chez nous. Les seules branches que perde l’arbre militaire sont celles qui s’en détachent d’elles-mêmes ; ces branches, le plus souvent, sont