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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/667

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épure, de tracer le cadre général et de l’assembler dans toutes ses parties. Faute de cette idée directrice, faute d’un principe simple auquel tous les esprits se seraient ralliés, on est tombé dans les lenteurs et les ratiocinations. Alors que deux mois ont suffi à l’Allemagne pour déposer, examiner et voter la loi militaire du 10 mai dernier, cinq ans ont été nécessaires chez nous pour que le projet de 1907 parvint à se faire inscrire à l’ordre du jour. Ces délais étaient inutiles, parce qu’une fois la disjonction faite, le mal était fait aussi, et que toutes les discussions du monde n’apportaient plus au texte d’amélioration sensible. Ils étaient nuisibles, parce qu’ils laissaient voir ce que les militaires détestent le plus en haut lieu : l’irrésolution.

Plus encore, la loi, en devenant partielle, s’était faite partiale : elle le prouve en élargissant le cadre-officiers alors que le cadre-troupe demeure immobile. Pourquoi 25 emplois nouveaux de colonel, quand on ne forme que 18 états-majors de régiment ? 125 de lieutenant-colonel, quand les officiers de ce grade suffisaient déjà pour le commandement de nos régimens de réserve ? 250 de commandant, 500 de capitaine, quand on ne crée ni un bataillon, ni une compagnie ? Mais jamais, dans toute son histoire, notre armée n’aura reçu une distribution d’avancement aussi large que celle qu’on lui prépare en pleine paix ! Que de galons à coudre ! Que d’ouvrage pour les passementiers ! Et, puisque leur imagination se donne en ce moment carrière pour inventer un attribut distinctif qui prouve que nos adjudans sont devenus des chefs, notre armée ressemblera bientôt à ces images d’Epinal, qui font voir plus de gradés que de soldats, et de l’or sur tous les habits.

C’est par ces raisons ironiques qu’on réfute les sérieux argumens relatifs à l’encadrement, à l’avancement, au rajeunissement d’officiers qui doivent, dans tous les cas, être ingambes, par la raison qu’ils vont à pied, enfin à cette amélioration qualitative qui est pour nous la seule manière de relever la valeur, dès lors que le relèvement par le nombre ne nous est plus permis. Cependant, dans son triple effort, la tendance de la loi est également légitime, et les critiques dirigées contre elle ne pourraient prévaloir que si elle avait manqué son objet par faute de justesse ou de discrétion. C’est ce qu’un examen approfondi et de patientes discussions de chiffres pourraient seuls faire ressortir. Sans entrer ici dans ce débat, il convient d’insister sur