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contre nous. Jérôme David, de Pierres, Mathieu, en faveur auprès d’elle, étaient dans un va-et-vient continuel entre la Chambre et les Tuileries, et chaque fois qu’ils revenaient des Tuileries, ils accentuaient leur propagande pour notre renversement immédiat. Ce qui parait compte plus que ce qui est : quelle qu’ait été l’attitude réelle de l’Impératrice dans son cercle intime, se fùt-elle renfermée dans une abstention stricte, personne ne mit en doute que notre renversement était voulu, conseillé, poursuivi par elle, et que ses amis notoires étaient ses porte-paroles.

Bouilhet eut quelque peine à être reçu. Comme il régnait déjà dans le palais un certain désordre, il fut introduit dans un salon du premier étage où il ne rencontra ni chambellan, ni fonctionnaire de service. Après quelques minutes d’attente, une porte s’ouvrit et donna passage à un familier, de Pierres. Il lui serra la main en lui disant qu’il se rendait à la séance et disparut. L’Impératrice ne tarda pas à entrer par cette même porte, qui s’ouvrait sur une pièce où se trouvait Palikao avec d’autres familiers. Le message de Bouilhet la combla d’aise. Elle répondit : « Ah ! monsieur, vous me soulagez d’un grand poids ! J’apprends avec une vive satisfaction que je me rencontre dans la même opinion que M. Schneider et que le choix du général Palikao a son agrément. »


III

A la Chambre, la séance continuait. Le général Dejean compléta ma déclaration par la lecture de l’exposé des motifs de notre projet sur l’augmentation des forces militaires. Il fut à peine écouté. Dans les bancs circulaient les meneurs, allant de l’un à l’autre quêter des adhésions, offrir des portefeuilles. Puis les motions se succédèrent. D’abord, celle de Latour-Dumoulin et d’Andelarre : « Les députés soussignés demandent que la présidence du Conseil des ministres soit confiée au général Trochu, et qu’il soit chargé de constituer un ministère. « Latour-Dumoulin n’était qu’un bafouilleur vide, dont la proposition eût à peine fait relever les têtes s’il n’y avait mis en panache le nom de Trochu, et si elle n’avait paru un acheminement à une motion plus révolutionnaire.

En effet, Jules Favre, livide, presque vert, la lèvre tendue