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français ou Israélites naturalises. Ils prétendront être, en tout, les égaux de ceux-ci. Nulle puissance ne pourra résister longtemps aux revendications d’abord modérées, puis, en cas de refus et de retards, aux sommations qu’ils élèveront. Déjà, et l’on ne peut aucunement les en blâmer, un récent décret ayant institué en Algérie la conscription parmi les musulmans, ceux-ci commencent à formuler leurs griefs et leurs désirs ; citons ici des passages typiques d’une de ces manifestations datée de Saïda, le 20 avril dernier et adressée au président de la Commission des pétitions de la Chambre[1] :


Tandis que les Israélites et étrangers qui ont satisfait aux obligations militaires jouissent de tous les droits de citoyens français, nous n’en demeurerons pas moins placés dans une situation spéciale et inférieure qui comporte notamment la lourde charge d’impôts particuliers, les mesures vexatoires et nombreuses amendes dont sont victimes les indigènes de la part du service forestier, très rigoureux à leur encontre.

Ajoutez à cela la juridiction des tribunaux répressifs, le régime de l’indigénat et la cour criminelle.

Depuis quatre-vingts ans que s’est faite la conquête de l’Algérie, le sang versé par les nôtres partout où l’honneur de la France s’est trouvé engagé atteste de notre fidélité à son drapeau.

Aussi, confians en sa haute justice et en ses principes d’égalité et de générosité, nous venons, à l’heure où un suprême et nouveau devoir est exigé de nous, vous prier, monsieur le président, de vouloir bien jeter un regard bienveillant sur une situation que rien ne pourra plus justifier et à laquelle il sera impossible à l’avenir de trouver, sans sortir du domaine de l’équité et de la raison, une excuse.

Nous ne saurions trop insister pour demander au gouvernement de la République française, dont nous connaissons parfaitement l’équité, la justice et la bienveillance, de bien vouloir nous accorder les droits de citoyen français, sous réserve de notre statut personnel eu compensation de l’impôt du sang qu’il nous impose.


On chercherait vainement ce qu’on pourra répondre à ces revendications de droits ; peut-être pourra-t-on un peu atermoyer, mais finalement et sans doute assez rapidement, il faudra tout accorder : le danger de soulèvement, en cas de guerre européenne, aura, par des compensations et des concessions légitimes, été atténué, mais non peut-être complètement écarté.

Tout annonce donc et impose une évolution dans la politique française à l’endroit des indigènes d’Algérie : il est désirable

  1. Nous empruntons ce texte au journal le Temps du 3 mai 1912.