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de francs, couvrant la plus grande partie de l’intérêt du capital d’établissement.

Si l’on ajoute que le budget tunisien présente des excédens constans, on aura le droit de trouver que la Tunisie doit être classée parmi les contrées heureuses.

Et, cependant, elle se plaint, vivement même ; un vent de discorde s’est récemment abattu sur elle ; des mouvemens inquiétans se sont produits au mois de novembre dernier et des mesures exceptionnelles ont été prises à l’endroit d’indigènes notables.

Les colons ne sont pas satisfaits. On doit reconnaître qu’ils n’ont pas trouvé, en général, en Tunisie les satisfactions qu’ils attendaient. Cette contrée, au lendemain de la prise de possession par la France, de 1881 à 1890, a été l’objet du plus grand engouement dans la métropole, comme l’est aujourd’hui le Maroc. Jeunes gens de bonne famille et capitaux s’y sont précipités, y ont créé avec entrain de vastes exploitations agricoles. La Tunisie, avec son front sur deux mers, apparaissait comme une contrée d’élection pour la culture ; on la croyait très supérieure à l’Algérie. Les déceptions sont vite venues ; sauf quelques districts privilégiés, comme la Khroumirie et ses environs, Béja, Mateur, où les pluies sont abondantes, allant de 600 à 700 millimètres jusqu’à 1 500 millimètres et au delà pour le pays des Khroumir, la Tunisie s’est bientôt révélée comme un pays sec, où les pluies, même dans le Nord, ne dépassent guère en moyenne 45 0 millimètres, où les étés sont souvent brûlans, où aucune chaîne de montagnes continue et élevée ne défend le pays contre les vents du Sud. Bref, il a fallu reconnaître que, sauf dans les districts susnommés, la Tunisie est, au point de vue agricole, inférieure au Tell Algérien. Ç’a été là un grave mécompte. Il y a bien, sans doute, la méthode, imitée des Américains, que l’on appelle le dry farming, la culture sèche, qui prétend obtenir de bons résultats dans les régions où les pluies oscillent entre 300 et 400 millimètres ; mais il faut bien avouer que, pour les Américains eux-mêmes, le dry farming n’est qu’un pis aller et que les résultats qu’il donne ne peuvent être comparés à ceux de bonnes terres convenablement arrosées. On en a la preuve dans les efforts et les sacrifices que font les Américains de l’extrême-Ouest et les Canadiens pour pratiquer l’irrigation partout où cela est possible : la célèbre Compagnie du Canadian Pacific Railway