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du Parlement ; car, pour lui, un budget était presque aussi amusant à composer qu’une constitution. Cette fois, l’Irlande, dotée par son parrain d’un excédent de cinq cent mille livres, devait versera l’échiquier impérial le tiers de ses recettes et les deux autres tiers devaient suffire, si elle était sage, à ses dépenses intérieures.

Enfin un point différenciait encore les deux projets de constitution. On commençait à s’apitoyer sur la minorité protestante, qui allait être livrée à des persécutions abominables de la part de la majorité catholique. Le cri de No Popery trouve encore de l’écho en Angleterre, et ce cri n’était pas pour déplaire à l’auteur passionné des Vatican decrees. Il eut donc soin d’insérer dans son second bill une ou deux phrases qui, dans leur généralité, ne pouvaient donner lieu à aucune contestation, mais qui, dans leur application, pouvaient singulièrement embarrasser le futur parlement d’Irlande. Il n’était peut-être pas inutile de lui rappeler les grands principes de tolérance qui sont l’honneur de l’Angleterre moderne ; mais était-il juste, était-il prudent de lui interdire, d’avance, de réparer quelques-unes de ces inégalités dont avait souffert si longtemps la religion de la majorité et dont elle souffrait encore après le désétablissement de l’Eglise protestante de l’Irlande ? J’indique, dès à présent, ce point de vue, j’y reviendrai tout à l’heure à propos du projet de loi actuel.

Une dernière inconséquence consistait à refuser au parlement de Dublin le droit de toucher pendant trois ans à la question agraire. Pourquoi ce délai de trois ans ? Jamais ce parlement ne jouirait des moyens financiers nécessaires pour régler cette grave question, jamais il ne l’aborderait avec cet esprit de générosité et d’abnégation qu’y avaient apporté M. Balfour et ses amis.

La discussion en comité fut longue et orageuse. Les chefs de l’opposition y déployèrent une énergie et une compétence qui embarrassèrent plus d’une fois le gouvernement. Lorsqu’une majorité de 40 voix, due uniquement à la présence des Irlandais, qui étaient à la fois juges et parties dans le débat, eut définitivement voté le bill, il fut porté à la Chambre des Lords, qui le rejeta après un court examen, et il me sembla alors que l’opinion du pays soutenait, en cette circonstance, la haute Assemblée ; elle y puisa même un regain de popularité dont les