Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans lesquels et autour desquels se groupent des industries spéciales, des intérêts commerciaux, des tendances morales qu’il est impossible de confondre avec celles de la province voisine. On dit à Leeds et à Manchester : « Ce que le Lancashire pense aujourd’hui, toute l’Angleterre le pensera demain. » Peut-être d’autres provinces ont-elles les mêmes prétentions ou des prétentions analogues. On s’est ému l’autre jour lorsque M. Winston Churchill, parlant devant ses électeurs de Dundee, a signalé l’existence de ces zones et proclamé leur droit à un régime particulier. Mais M. Lloyd George disait absolument la même chose, il y a vingt ans, dans un discours que j’ai cité ici. Silencieusement, l’idée avait fait son chemin, probablement parce qu’elle s’accordait avec des dispositions naturelles et profondes. Parmi tant d’autonomies, l’autonomie irlandaise cessait d’être un monstre. Il faut ajouter, d’ailleurs, que, comme toutes les choses qui renaissent, le particularisme revient au monde très différent de ce qu’il a été dans sa première existence. En nous rendant la vie locale dans toute son intensité, il entend ne pas renoncer aux avantages que confèrent les vastes États modernes à ceux qui en font partie. Pour revivre, en un mot, le particularisme se fera fédératif.

Ainsi s’orientait, peu à peu, vers de nouveaux objets la société anglaise, et cette transformation la rendait insensible à ses engouemens comme à ses aversions de jadis.


IV

On était aux derniers jours de 1905. M. Balfour s’était galamment retiré, laissant le champ libre à ses adversaires, après avoir posé la question de la réforme douanière comme la plate-forme des futures élections générales. Les radicaux se préparaient à la bataille et la campagne était déjà commencée. Campbell Bannerman jugea que le concours de 84 nationalistes, envoyés par l’Irlande à Westminster, n’était pas à dédaigner, et, dans un discours prononcé à Glasgow, il leur adressa une parole d’encouragement. Si son parti rentrait au pouvoir, une première mesure législative donnerait à l’Irlande autonomiste un commencement de satisfaction, « en attendant une autre mesure plus large encore qui constituerait définitivement l’indépendance parlementaire de l’Irlande. » A ce moment, lord