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Samuel s’est posé comme un des bons debaters du Parlement.

M. Redmond a été très sobre de paroles et a obligé la loquacité irlandaise à une réserve qui ne lui est pas coutumière. En revanche, l’un des deux chefs qui dirigent en commun la petite phalange des nationalistes dissidens, M. T. Healy, est intervenu souvent dans le débat. Pour l’acidité, il est le premier orateur du Parlement et on l’écoute toujours parce qu’il a toujours du mal à dire de quelqu’un ou de quelque chose. Ceux qui ne pensent pas comme lui, ceux même qui ne l’estiment pas, savourent, sans se cacher, ses mots à l’emporte-pièce.

Incontestablement, la physionomie la plus intéressante du Parlement, au moment où j’écris, est celle de sir Edward Carson, le chef de la minorité protestante de l’Irlande. Il a, lui aussi, l’humour, l’ironie amère et volontairement blessante ; il a cet accent convaincu qui transforme chaque parole en acte. On avait parlé de le mettre en prison. Avec quel rire méprisant il a accueilli cette suggestion ! « Osez donc le faire ! » a-t-il crié aux ministres assis en face de lui. Un autre soir, il leur a dit : « Je hais votre loi, je la hais de toutes mes forces. Je la combattrai dans le Parlement et hors du Parlement. Je la combattrai tant qu’elle ne sera pas votée, et, si vous réussissez a en salir le Statut, je la combattrai encore ! »

Évidemment, cette attitude de l’Ulster et de son chef donne quelque anxiété au gouvernement. L’opposition des tories au bill qui constitue le Home Rule tombera d’elle-même quand le changement sera devenu un fait accompli ; celle de l’Ulster, au contraire, croîtra et se fortifiera aussi longtemps que la nouvelle constitution n’aura pas développé toutes ses conséquences fâcheuses. Faudra-t-il alors envoyer des troupes, faire charger par la cavalerie ces braves gens dont le seul crime sera d’avoir voulu rester les fidèles sujets du Parlement impérial ? C’est cette appréhension qui a arraché à M. Asquith les principales concessions obtenues de lui pendant la discussion des articles.

Aux précautions déjà prises contre un accès d’intolérance religieuse chez la majorité du futur parlement irlandais, ont été ajoutées des adjurations et des restrictions encore plus formelles. En somme, rien ne pourra être changé à la situation matérielle et financière des deux religions en présence et, dans les choix des fonctionnaires, aucune exclusion ne pourra être prononcée