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flatteur de Windthorst, son vassal, et vous regardez le Culturkampf disparaître comme le tanneur regarde les peaux s’en aller au courant de l’eau. » D’autres insolences s’échangèrent ; Bismarck était en train, tout heureux que le Centre, parce que Léon XIII le voulait, acceptât enfin les articles de loi que l’État prussien voulait. Plusieurs de ces articles ne pourraient devenir exécutoires en Pologne que par arrêté spécial du gouvernement royal : les Polonais supplièrent que ces mesures d’exception fussent supprimées. Si l’on vous exauçait, signifia Gossler, toute la loi serait en péril. Ils furent à peu près seuls pour voter leur motion ; le Centre, pour la première fois depuis 1870, n’acquiesçait pas à une revendication religieuse des Polonais.

Ces Polonais, ces progressistes, ces gens du Centre, se trouvaient, non plus coalisés, mais isolés les uns des autres, et mécontens les uns des autres ; la presse polonaise attaquait Windthorst. Bismarck planait, rayonnant, sur tous ces émiettemens ; on le voyait tout jovial, mais la jovialité, pourtant, semblait un peu voulue. Elle était troublée, d’abord, par la santé de son fils, qui depuis trois jours avait le délire, et puis elle se rembrunit, soudainement, — et pour une seconde le visage se crispa, — lorsque le député Seyffarth cita ce vers du Tasse : « Qui ne trouverait pas son maître au Vatican ? » Mais Bismarck, qu’il fût ou non maîtrisé par le Vatican, maîtrisait, lui, le Landtag, et cette sensation dominatrice ravivait sa bonne humeur. Il faisait voter, avec une allure de dompteur parlementaire, une loi de capitulation. Il espérait qu’à l’avenir tous les partis d’opposition, que cavalièrement il qualifiait d’u hostiles à l’Etat, » se tiendraient plus tranquilles. Gossler vint dire en substance : Nous sommes contens des évêques ; les lettres par lesquelles ils soumettent aux présidens supérieurs les noms des curés, sont aussi correctes de forme que si je les avais rédigées moi-même. Le Landtag se tint pour satisfait : le 10 mai, la loi fut acceptée par 259 voix contre 109.


V

Bismarck était vainqueur, mais une partie de la presse le disait vaincu. « C’est la victoire de Rome sur toute la ligne, » criait la Gazette de Berlin. « Il vaudrait mieux n’avoir jamais commencé le combat, » insistait le Journal de Berlin. Sur une