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caricature des enfans jouaient entre eux ; parmi eux, Léon XIII ; et Bismarck survenait, avec un gros cadeau : c’était une collection d’articles des lois de Mai. » Pour qui le gros morceau ? demandait le Pape. — Pour toi, mon chéri. » Et le Pape, avec une moue : « Ah ! si peu ! » On considérait Léon XIII comme devant être insatiable ; on avait peur.

Le publiciste Constantin Roessler, auxiliaire assidu des vieilles campagnes bismarckiennes contre l’Eglise, emplissait de sa mélancolie les Annales prussiennes. Roessler rappelait le début du Culturkampf, l’admiration confiante qui s’attachait alors à Bismarck. Napoléon n’avait pas su triompher de Rome ; on espérait, en 1871, que Bismarck saurait. L’espoir était déçu, et Roessler sentait un gémissement courir sur les lèvres allemandes. « C’est donc Rome, disaient-elles, qui a frappé Bismarck au talon d’Achille. » La politique sociale, la politique coloniale, ménageraient peut-être au chancelier des victoires nouvelles ; mais aucune, si l’on en croyait Roessler, ne pourrait « faire oublier la sombre défaite du Culturkampf. » D’ailleurs, ce morose article, qui commençait par le procès du chancelier, finissait par le procès de l’Église évangélique : était-elle capable, demandait Roessler, de propager l’Évangile dans les terres que le Culturkampf ravageait, et d’achever ainsi la ruine du romanisme ? Et Constantin Roessler répondait non, un non très amer. L’Église catholique avait su résister, et l’Église protestante ne savait plus s’épanouir : voilà pourquoi le Culturkampf ne pouvait réussir. Mais cela, était-ce la faute du chancelier ? « Avec le protestantisme tel que Bismarck le trouva, confessait Constantin Roessler, Bismarck ne pouvait pas supprimer le romanisme du sol allemand. » Et Roessler finissait par excuser Bismarck, avec lequel il avait espéré vaincre l’Église, avec lequel il était vaincu.

Mais ce protestantisme dont Constantin Roessler dénonçait l’assoupissement allaita son tour se réveiller, et s’essayera crier à Bismarck : Halte-là ! Dès 1885, certains milieux évangéliques s’étaient laissé mettre en émoi par les symptômes de paix ; on avait vu le professeur Tschackert fouiller les encycliques de Léon XIII, « élève des Jésuites, » y relever les jugemens du Pape sur la Réforme et conclure que personne n’avait jamais aussi odieusement calomnié l’Église évangélique ; on avait entendu, au Congrès de l’association Gustave-Adolphe, certaines