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fixée dans la Mer-Noire aux rivages de Kara Bouroun et que le reste ne pouvait guère quitter les abords de Buyuk-Tchekmedjé sans donner aux Bulgares la tentation d’attaquer en masse le flanc gauche des lignes turques, les Grecs auraient dû déjà, d’un coup de vigueur beaucoup moins téméraire qu’on ne le pense, forcer les Dardanelles et venir présenter le combat à cette division de la mer de Marmara, en vue même des minarets de Stamboul.

C’est ce que nous allons examiner de près. Nous verrons ensuite ce que les Turcs auraient pu faire eux-mêmes avec leurs vieux cuirassés et leurs contre-torpilleurs neufs. Enfin, rapprochant ces deux études de certains faits de guerre dont l’histoire maritime, — une histoire malheureusement trop peu connue, — nous a conservé les enseignemens, nous verrons que les flottes s’adaptent avec souplesse à toutes les circonstances, qu’elles peuvent rendre aux armées des services immédiats et qu’il ne faut donc pas restreindre leur utilisation à la recherche idéale (et dont les bénéfices n’apparaissent souvent qu’un peu lointains) de la domination de la haute mer.


La défense des Dardanelles, réorganisée après la guerre de 1877, et à peine retouchée depuis, ne répond plus aux besoins actuels. Les canons, de calibres et de types variés (Paixhans et Krüpp pour la plus grande part) ne sont plus assez puissans et leur tir n’est plus assez rapide, faute d’affûts, de casemates et de transmissions bien disposés. Il y a quelques projecteurs, des feux chercheurs surtout, mais peu de feux de combat, et les nappes lumineuses ne sont ni assez étendues, ni assez fixes, au point de vue de l’intensité. Tout se ressent, là comme ailleurs et plus qu’ailleurs, de l’insouciance et de l’ignorance technique des Ottomans.

Point de lunettes de pointage, point de télémètres sérieux ; pas d’abris pour les commandans de batteries ; et comme les principaux ouvrages, les plus modernes, sont assez près de l’eau (leur armement visant à rompre les cuirasses de flottaison), les servans des bouches à feu peuvent être, malgré les traverses greffées sur les parapets, mitraillés ou fusillés sur leurs pièces par les bâtimens qui défilent devant eux.

Il n’en est pas moins vrai que le forcement des Dardanelles,