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Rien ne serait plus facile, en effet, à qui oserait le faire ; et cela parce qu’on n’a jamais prévu de descente sur cette côte septentrionale de la longue crête de collines qui forme la Chersonèse de Thrace. Ce que l’on a prévu seulement, dès 1854, époque où nous occupions Gallipoli avec les Anglais (mais à titre d’alliés des Turcs), c’est une attaque venant de la terre ferme, de la Thrace même, par l’isthme de Boulair, du nom d’une petite ville qui le domine. Là, du golfe de Saros à la mer de Marmara, s’élèvent des lignes fortifiées analogues à celles de Tchataldja, mais beaucoup moins longues (5 kilomètres à vol d’oiseau), beaucoup moins solides aussi et moins étudiées. Certains ouvrages y portent encore les noms de Napoléon III et de Victoria, ce qui marque à la fois leur origine et leur âge.

À cette époque, extrême début de cette guerre d’Orient qu’on devait appeler plus tard « guerre de Crimée, » les alliés, encore en petit nombre sur le territoire turc et mal organisés pour l’offensive, ne songeaient qu’à se garder contre une attaque de l’armée russe du Danube, dont les succès (arrêtés depuis sous les murs de Silistrie) faisaient redouter une marche rapide sur Constantinople. Mais si l’on pouvait craindre, dans ce dernier cas, qu’un corps détaché de cette armée d’invasion vint forcer les alliés dans la Chersonèse, ou au moins les y bloquer, il était évidemment impossible que ce corps débarquât sur la côte Nord. Il ne pouvait venir que par Lulé-Burgas, Rodosto et Boulair, Les flottes française et anglaise étaient en effet maîtresses absolues de la mer Egée et de la mer de Marmara. La flotte russe n’avait jamais songé à franchir le Bosphore.

lien fut de même vingt-cinq ans plus tard. Cette fois, malgré la magnifique résistance de Plewna, que rappelle aujourd’hui celle d’Andrinople, l’armée du grand-duc Nicolas arriva jusqu’à San Stefano, aux portes de la capitale turque ; mais, comme en 1854 et faute d’avoir des vaisseaux dans la mer Egée, elle ne pouvait attaquer la Chersonèse que par Boulair, dont les lignes avaient été renforcées. D’ailleurs, il importait assez peu aux Russes de détruire, ou seulement d’occuper les batteries des Dardanelles, tant que celles du Bosphore n’étaient pas tombées dans leurs mains.

Quoi qu’il en soit, les Turcs n’ont jamais pensé à défendre d’une manière permanente ou semi-permanente les baies d’Arapos et d’Hanafart, ni les longues plages découvertes qui s’étendent