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REVUE LITTÉRAIRE

FLAUBERT[1]

« O poète, cache ta douleur sous des phrases d’une mélancolie pompeuse, comme les paysans de la Thébaïde bouchent les trous de leurs cabanes avec des planches de cercueils peints. »

Cette phrase si belle, M. Louis Bertrand l’a sauvée ; il l’a trouvée dans les papiers de Flaubert, écrite sur la chemise qui contient les brouillons du Saint Antoine ; cette phrase si belle et qui pourrait servir d’épigraphe à toute l’œuvre de Flaubert. Elle résume l’esthétique de la Bovary et de Salammbô, de l’Éducation sentimentale et d’Hérodias.

Il y a de ces phrases, soudaines, qui rendent le son d’une âme ; on dirait d’un cristal sonore et qui, touché, donne sa musique naturelle. Et, comme la musique est plus persuasive que tous les ‘mots, cette phrase vaut mieux que tous les commentaires ; mais commenter une musique est un plaisir inutile et charmant, l’hommage de la dialectique à l’intuition.


L’exégèse de Flaubert s’est enrichie de quelques récens travaux. L’édition Couard, en dix-huit volumes, aujourd’hui complète, apporte beaucoup d’inédit : elle est précieuse. MM. René Descharmes et René Dumesnil ont publié, sous ce titre Autour de Flaubert, une série de

  1. Louis Bertrand, Gustave Flaubert, « avec des fragmens inédits ; « René Descharmes et René Dumesnil, Autour de Flaubert, « études historiques et documentaires, » deux volumes ; Œuvres complètes de Gustave Flaubert (édition Conard, dix-huit volumes.