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faire, — ont par suite pris l’habitude de mesurer les degrés thermométriques à partir de — 273° ; dans cette échelle absolue de température, qui n’est plus arbitraire comme l’échelle centigrade, les températures de celle-ci se trouvent augmentées de 273°. C’est ainsi que la glace fond à 273° absolus, ce qu’on a pris l’habitude d’écrire 273°A. Cette nouvelle numération a quelques inconvéniens et beaucoup d’avantages, dont le principal, dans la pratique, est qu’il n’y a plus de températures négatives, — "ce qui était une chose absurde. Il y a d’ailleurs heu de penser que le grand public n’est pas près d’adopter l’échelle thermométrique absolue : le grand public a d’autres soucis.


II. — À L’ASSAUT DU ZÉRO ABSOLU

L’histoire des efforts faits depuis cent ans par les savans pour approcher le plus possible du pôle du froid a toutes les allures d’une épopée. Elle a ses héros et ses martyrs ; elle est pleine d’épisodes émouvans et d’exploits d’où sans cesse naissaient d’autres exploits, jusqu’au jour où, — c’était il y a quelques mois, — ayant réussi à liquéfier le plus réfractaire des gaz, l’hélium, on vit bouillir à moins de 271° au-dessous de zéro, à moins de 2 degrés du but inaccessible, ce liquide étonnant.

On sait depuis fort longtemps obtenir des froids qui vont jusqu’à plusieurs dizaines de degrés au-dessous de zéro, au moyen des saumures réfrigérantes, inventées, dit-on, par les Chinois, et que tous les pâtissiers connaissent. Avec un simple mélange de glace et de sel on réalise aisément — 20° ; on va jusqu’à — 50° avec le mélange glace-chlorure de calcium. Mais ce qui suffit aux fabricans de sorbets n’a pu contenter les physiciens, dont le but est, il est vrai, un peu différent ; ils ont voulu aller beaucoup plus bas encore, et un exemple nous montrera comment ils y sont parvenus :

L’eau bout à 100° à la pression atmosphérique. Mais l’expérience montre que, si on abaisse la pression, son ébullition a lieu à une température beaucoup plus basse ; par exemple, si la pression n’est plus qu’une demi-atmosphère, l’eau bout déjà au voisinage de 80°. C’est ce qui fait qu’au sommet du Mont-Blanc, lors de sa mémorable ascension, Saussure a constaté, — ce qui l’étonna fort, — qu’on a les plus grandes difficultés à y faire durcir les œufs dans l’eau bouillante. Au contraire, si on augmente la pression au-dessus de l’eau, celle-ci ne bout plus qu’à des températures très élevées ; cela arrive dans les chaudières, et en particulier dans la plus ancienne de toutes, la marmite de Papin.