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refroidissant au moyen d’hydrogène bouillant dans le vide, puis en le détendant brusquement après l’avoir comprimé à 100 atmosphères. Il se présente sous la forme d’un liquide transparent et incolore bouillant à — 269o dans l’air.

À moins qu’on ne découvre quelque jour un gaz encore plus réfractaire que l’hélium, on ne voit guère le moyen d’approcher plus près du zéro absolu que n’a fait Kamerling-Onnes, sauf peut-être par la solidification de l’hélium lui-même, qui ne saurait tarder, et qui diminuera encore, à n’en pas douter, le frêle intervalle qui nous sépare du « pôle du froid. »

Un savant français qui a récemment visité le laboratoire de Leyde, M. Lemaire, nous en a donné une description vivante qui nous fait bien sentir l’esthétique étrange et captivante, le sentiment émouvant qui se dégagent d’un de ces creusets où la pensée désintéressée attaque la matière : un laboratoire de physique en pleine activité : « L’organisation nécessitée par les expériences faites avec l’hydrogène ou l’hélium liquide est analogue à celle d’un vaisseau-amiral au moment du combat. Quand tout le matériel est prêt, les dispositions préparatoires sont prises l’avant-veille du jour où l’on compte faire les expériences et l’on fait marcher le » différens cycles l’un après l’autre jusqu’à ce qu’enfin celui de l’hélium fonctionne à son tour. Le professeur Kamerling-Onnes est près de l’appareil principal à observer, comme l’amiralissime dans son blockhaus, entouré de ceux qui l’aident ou qui transmettent ses ordres aux autres observateurs et aux mécaniciens placés à la tête des différens cycles ou de la station centrale d’énergie. Il est arrivé que plus de dix personnes étaient ainsi employées simultanément et quelques-unes pendant plus de douze heures consécutives ; elles évoluent à l’aise, silencieusement et sans hésiter au milieu des multiples appareils et machines en marche, dans un lacis inextricable de conduites… »


III. — CONSERVATION ET PROPRIÉTÉS DES BASSES TEMPÉRATURES

Pour pouvoir étudier à loisir les propriétés et les effets physiques de ces substances étonnamment froides que sont, une fois liquéfiés, les gaz permanens, — s’il est permis encore de les appeler ainsi, — il importe avant tout de pouvoir les manipuler à l’air libre. On pouvait craindre que cela ne fût impossible ou très difficile à cause de l’évaporation rapide de ces liquides ; dans l’air ordinaire, ils sont, — tout est relatif, — en quelque sorte dans une fournaise et doivent en effet se réduire très