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REVUE. — CHRONIQUE.

en a accentué le caractère pacifique : les excellentes intentions en sont manifestes et il a produit partout une heureuse impression. Le discours de M. Kokovtzof à la Douma a eu plus d’intérêt pour nous : il a été à la fois très ferme et très digne. On se demandait si le ministre russe répondrait, ne fût-ce que par allusion, au discours dans lequel le chancelier de l’Empire d’Allemagne avait déclaré que, si l’Autriche était contrariée par un tiers dans la défense de ses intérêts, l’Allemagne se mettrait aussitôt à ses côtés. M. Kokovtzof a évité tout ce qui aurait pu ressembler à une réponse directe à ce discours, mais il a parlé avec élévation et avec force de la politique traditionnelle de la Russie dans le monde slave, politique à laquelle elle a fait trop de sacrifices pour pouvoir y renoncer. C’est toutefois dans l’union de l’Europe que la Russie poursuit cette politique et qu’elle espère la réaliser. « Fidèle, a dit M. Kokovtzof, à notre alliance et à nos ententes, sûrs de l’appui de nos amis et de nos alliés, nous ne voyons, pour notre part, aucune utilité à opposer les groupemens de puissances les uns aux autres. Les gouvernemens qui abandonneraient le terrain de la discussion commune des questions fondamentales de la situation politique actuelle, pour faire ressortir leurs intérêts immédiats, et à plus forte raison leurs intérêts secondaires, assumeraient la grave responsabilité morale de complications internationales ultérieures. » Ces vues sont les nôtres : M. Poincaré l’a déclaré dans le discours qu’il a prononcé à la Chambre. « Depuis le commencement de l’année, a-t-il dit, nous avons, sans un instant d’interruption, échangé avec nos amis et nos alliés nos idées sur la situation, et, dans ces conversations quotidiennes, nous nous sommes appliqués tout à la fois à maintenir un accord constant entre la Russie, l’Angleterre et la France et à préparer toutes les trois le concert général des puissances européennes. Il est superflu, je pense, de répéter que nous avons considéré comme un devoir élémentaire de témoigner à notre alliée une fidélité effective et agissante. L’honneur et l’intérêt nous commandent également cette conduite. » Et dans son discours au Sénat, M. Poincaré a été plus explicite encore, s’il est possible. Après avoir rappelé l’importance des intérêts qui étaient en cause : « Nous avons jugé, a-t-il dit, qu’une politique passive et inerte était indigne de notre pays et nous avons fait en sorte que nulle part et à aucun moment la France ne fût absente. Nous avons fait en sorte aussi qu’elle ne fût jamais seule Nous avons voulu, en d’autres termes, que, dans toutes les occasions importantes, elle restât, aussi étroitement que possible, associée à ses alliés et à ses amis... M. Kokovtzof a dit à la Douma de l’Empire