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et toutes les tentations de la vaste république. Ils nous décrivirent à l’envi les immenses champs de luzerne, où la faux coupe et recoupe, chaque année, à perte de vue, l’herbe aux petites feuilles d’or ; ils nous transportèrent au cœur des étés brûlans, par la chaleur torride des moissons, lorsque, dans les provinces de Buenos-Aires, de Santa-Fe, de Cordova, sur la plaine infinie, qui ne connaît d’autre limite que la ligne toujours pareille de l’horizon lointain, la Cérès transatlantique vide son giron chargé d’épis, et que, d’un village à l’autre, tandis que les batteuses ronflent, tandis que les moissonneurs chantent, tandis que d’interminables convois de blé s’acheminent lentement vers la côte, court une joyeuse ivresse de victoire et de bonheur, en attendant la pluie d’or qui reviendra de la mer ; ils nous montrèrent de loin les luxurians vignobles de Mendoza, les verdoyans halliers de canne à sucre du Tucuman, les forêts séculaires de ce quebracho, si dur sous la dure hache ; ils nous introduisirent dans la mélancolique solitude des énormes estancias où, sur les sombres bosquets de hauts eucalyptus, sur les roues des moulins à vent qui tournent dans la plaine déserte, sur les toits épars des étables basses ou des galpones, sur l’azur tremblant d’une lagune, on voit. passer très haut, dans l’azur du grand ciel, un vol noir d’oiseaux silencieux. Et alors défilèrent devant nous, conduits pour ainsi dire à la main et appelés par leurs noms, les gloires de l’Argentine : ce shorthorn de M. Alfredo Martinez de Hoz, cet Homer II, race d’Hereford, appartenant à M. Perreyra Iraola, animaux qui, je ne sais plus à quelle exposition, avaient triomphé de tous leurs concurrens anglais ; les reproducteurs célèbres, les étalons illustres, les ancêtres parfaits des nouvelles races ovines, bovines, chevalines que l’Argentine élève pour elle-même et pour le monde, étalons acquis en Europe par tel ou tel grand éleveur argentin à un prix fabuleux : ce taureau reproducteur qu’un Argentin paya 140 000 francs, alors que jamais aucun autre spécimen de l’espèce n’avait été payé en Angleterre plus de 100 000 francs ; le fameux cheval Diamond Jubilee, acheté au roi Edouard VII par Ignacio Correas pour un million de francs ; la cabana de 1 200 moutons Lincoln pur sang, que M. Covo était allé voir en Angleterre, dans les étables de M. Wright, pour y choisir les échantillons les plus beaux, et il les trouva tous si beaux qu’il acheta le troupeau entier contre un chèque de 50 000 livres sterling.