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Je n’ai pu résister au désir de mettre sous les yeux du lecteur français, tout au moins, l’une des scènes du nouveau roman de Mlle de Handel-Mazzetti. Cette jeune femme, — dont j’ignore tout à fait si un lien quelconque de parenté la rattache aux Handel styriens de son récit, — est certainement aujourd’hui l’un des deux ou trois romanciers les plus célèbres de l’Allemagne ; et la publication de sa Stephana Schwertner dans la Deutsche Rundschau a été, dans son pays, le principal événement littéraire de l’année qui vient de finir. Après s’être révélée d’abord par des poèmes et des contes d’inspiration toute catholique, Mlle de Handel a fait paraître coup sur coup deux grands romans, Jesse et Marie et la Pauvre Marguerite, qui, non seulement lui ont vite permis de dépasser infiniment le cercle un peu restreint de ses premiers admirateurs, mais ont même failli la brouiller avec ceux-ci, en colorant sa renommée d’une certaine nuance de « modernisme, » ou plus exactement d’ « anti-catholicisme. » Car le caractère purement historique de ces deux romans ne permettait pas à l’auteur de nous y exposer la moindre vue doctrinale : mais le fait est que vraiment, dans l’un comme dans l’autre, elle semblait apporter un étrange parti pris de nous représenter ses héros protestans sous le jour le plus flatteur, tandis qu’elle réservait volontiers des rôles antipathiques aux figures de la plupart de ses propres coreligionnaires. Défaut qui, naturellement, lui a été reproché de la manière la plus vive par tous les critiques catholiques allemands ; et peu s’en est fallu que ceux-ci s’accoutumassent désormais à compter la jeune romancière autrichienne parmi les adversaires attitrés d’une Église dont elle persistait cependant à se proclamer l’humble fille, — sans que personne consentît à voir dans son attitude ce qu’elle me paraît bien avoir été au demeurant, c’est-à-dire l’effet d’un simple désir d’indépendance juvénile qui la portait à se servir de ce procédé, assurément un peu trop facile et sommaire, pour nous prouver que sa qualité de catholique ne l’empêchait pas de rendre pleine justice aux membres des autres confessions chrétiennes. Cependant le défaut n’en existait pas moins, à la fois dans la Pauvre Marguerite et dans Jesse et Marie. Toujours, dans ces deux récits, nous avions l’impression que l’auteur s’amusait plus ou moins consciemment à agacer ses lecteurs catholiques en leur montrant, par exemple, des prêtres ignorans et cruels aux prises avec de beaux jeunes seigneurs luthériens d’une noblesse et d’une générosité d’âme merveilleuses ; et c’était là une impression d’autant plus regrettable que, se transmettant jusqu’aux juges les plus impartiaux, elle risquait de leur faire méconnaître