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nationale, de faire revivre mon pays tel qu’il existe en tant que personnalité ethnique, géographique, morale. Cela ne peut se faire que par un développement dont on voudra bien accepter l’arbitraire, s’il mêle à la fois les enseignemens de l’histoire et la simple investigation personnelle, l’argument de principe et celui d’impression, l’exemple collectif et le témoignage de détail.

Car un peuple divers, mélangé, sédentaire, comme le peuple belge, ne s’exprime point tout uniment dans un caractère national, reconnaissable à première vue et fidèle à une tradition de même source et de tendance identique. Ni son histoire, ni sa configuration géographique, ni sa composition ethnique, ni même son activité intellectuelle et commerciale ne lui assurent une unité morale apparente. Elle existe, néanmoins, et j’espère le montrer, mais elle est favorisée plus que contredite, par des influences ataviques dont il faut rechercher les fondemens, l’évolution et la persévérance à travers les manifestations de sa vie locale et régionale.

Ce n’est point, en effet, en traversant de part en part le territoire compris entre nos frontières politiques et administratives, ce n’est pas davantage en séjournant dans nos grandes villes, dans nos centres industriels et commerciaux, ce n’est pas non plus en étudiant notre organisation économique et sociale du point de vue technique, ce n’est pas, enfin, en visitant les beautés naturelles de nos régions, qu’on apprend à nous connaître. C’est en vivant avec nous d’une vie familiale plus qu’individuelle, en partageant nos réjouissances, nos luttes politiques et linguistiques, nos manifestations religieuses et civiles, en travaillant avec nous, non point comme un rouage de notre vaste machinerie moderne, mais comme un élément ethnique de notre force productive. Car, dans le secret alambic où s’amalgament les apports multiples de notre psychologie collective, une combustion se fait qui sépare, sans les annihiler, les fermens d’une originalité purement ethnique et qui retient, pour en former la substance indissoluble de notre activité nationale, les élémens communs de nos qualités productrices.

Si l’on connaît, au dehors, la Belgique moderne comme une nation bien outillée et sachant faire rendre par son outillage à son sol, à sa main-d’œuvre, à sa force expansive un fructueux intérêt, on ne connaît point le Belge, on ne le distingue point