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jours), les résultats furent absolument favorables au point de vue de la conservation de ces alimens. C’était là le premier signal d’une révolution économique, qui, bien qu’à peine commencée, a déjà produit des résultats surprenans.

Dès maintenant on peut évaluer jà plus de 500 les navires frigorifiques qui circulent sur tous les océans. Pour ne citer qu’un exemple, l’Angleterre reçoit annuellement plus de 100 000 tonnes de bœuf frais expédié par les États-Unis, et plus (encore de la République Argentine. Ce dernier pays et l’Australie n’importent en Grande-Bretagne guère moins de 1 200 000 tonnes (de mouton. Aussi à Londres la viande de boucherie est-elle bien moins chère que chez nous.

En France, l’importation de la viande étrangère est loin d’être aussi avancée pour diverses raisons, notamment parce qu’elle soulève des questions douanières délicates. Mais l’emploi du froid n’en est, comme on va en juger, pas moins nécessaire en France, pour la conservation et la circulation intérieure de la viande et des produits agricoles.

Comme le faisait remarquer récemment M. André Lebon, le froid industriel constitue un remède décisif contre les deux grandes plaies dont souffre l’agriculture : l’irrégularité de la production et la surproduction régionale, puisqu’il permet d’entreposer les produits d’origine durant des temps très longs ou de les distribuer aux points les plus éloignés du pays.

Au début, on n’utilisait le procédé qu’en mettant simplement les denrées en contact avec de la glace. C’est encore par ce moyen qu’on achemine vers les grands centres des trains entiers de beurre ; c’est lui qui permet à nos pêcheurs de rester plusieurs jours au large tout en conservant en bon état le produit de leurs pêches.

Mais, pour la viande comme pour le poisson, la glace a ses inconvéniens : d’une part, elle les détériore par ses arêtes, de l’autre, elle produit une humidité favorable à la putréfaction. Aussi la science a-t-elle cherché d’autres solutions : au lieu de le maintenir seulement à zéro, on est allé tout droit à la congélation complète de l’objet à conserver. On a par exemple congelé à — 10° ou — 15° des blocs entiers de viande ; c’est en cet état, généralement, que les viandes fraîches américaines sont expédiées en Angleterre et elles supportent parfaitement dans ces conditions plus de dix semaines d’entrepôt. Mais la congélation a aussi ses inconvéniens ; elle modifie (les tissus musculaires de la viande, leur donne un léger goût particulier qui choque certaines personnes : et surtout pour ramener la viande à la température ordinaire, pour la décongeler, il faut procéder progressivement, sous