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assez dans le Nouveau Monde pour constituer les élémens d’une « plus grande France[1]. »

En fait, les deux doctrines que j’appellerai continentale et maritime étaient, dès lors, en présence et en opposition ; elles le sont encore. Le gouvernement et l’opinion se sont toujours demandé, selon les alternatives de notre histoire, si la France peut mener de front les deux politiques et soutenir, à la fois, les deux tâches.

Cette hésitation se traduisit, au XVIIIe siècle, par la réponse de Mme de Pompadour à Bougainville, quand celui-ci vint, au nom de Montcalm, demander du secours pour la défense du Canada, tandis que la guerre de Sept Ans absorbait les forces et les ressources nationales : « Quand le feu est à la maison, on ne s’occupe pas des écuries. »

L’opinion de Richelieu pèse, peut-être, plus que celle de la marquise : elle est confirmée par l’avis réfléchi et fortement déduit de Talleyrand. Qui ne connaît son mémoire, lu dans la séance de l’Institut, le 15 messidor an V, sur les Avantages à retirer des colonies nouvelles ? Je rappellerai seulement quelques lignes de la conclusion : «... De ce qui vient d’être exposé, il suit que tout presse de s’occuper de nouvelles colonies : l’exemple des peuples les plus sages qui en ont fait un des grands moyens de tranquillité ; le besoin de préparer le remplacement de nos colonies actuelles pour ne pas nous trouver en arrière des événemens ; la nécessité de former avec les colonies les rapports les plus naturels, bien plus faciles sans doute dans des établissemens nouveaux que dans les anciens ; l’avantage de ne point nous laisser prévenir par une nation rivale pour qui chacun de nos oublis, chacun de nos retards en ce genre est une conquête ; l’opinion des hommes éclairés qui ont porté leur attention et leurs recherches sur cet objet ; enfin la douceur de pouvoir attacher à ces entreprises tant d’hommes malheureux qui ont besoin d’espérance. »

Faut-il invoquer encore, après ces grands noms, celui de Jules Ferry et son fameux mot sur le « placement de père de famille ? »

Mais il s’agit d’apporter non pas tant des autorités que des raisons.

L’étendue des côtes qui forment les limites de notre France,

  1. La Roncière, Histoire de la Marine, t. IV, p. 722.