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Et les sacrifices ne s’en tiennent pas là. Les terres nouvelles, pour vivre et se développer, ont besoin d’argent et de crédit. La mère patrie le sait et son épargne, sa confiance sont largement offertes à cette jeune famille qui s’installe. Ports, routes, voies ferrées, forts, arsenaux, instruction publique, protection des indigènes, tout est largement muni, doté ; les grands projets et les grandes réalisations trouvent, d’abord, les grandes ressources ; et voilà une autre différence avec cette colonisation de « ménage » et de lésinerie qui fut celle de l’Ancien Régime.

Enfin, les systèmes politique et militaire que présente l’ensemble de notre nouvel Empire colonial, le front qu’il offre à l’ennemi est tout autrement conçu et organisé que celui de notre domaine colonial des XVIIe et XVIIIe siècles.

Même les colonies les plus exposées, la Nouvelle-Calédonie, Madagascar, l’Indo-Chine présentent des élémens de résistance, soit militaire, soit diplomatique, si fortement combinés qu’ils ne pourraient être annihilés qu’après une guerre plus onéreuse et plus périlleuse à l’attaque qu’à la défense. L’Indo-Chine elle-même a pour protection, sans compter sa propre force militaire, la coalition des puissances qui se formerait fatalement, contre tout envahisseur, que ce fût le Japon, l’Angleterre, les Etats-Unis. Tous, sans compter la Russie et la Chine, se retourneraient ensemble contre celui d’entre eux qui prétendrait nous arracher ces territoires ; l’occupation française est, pour longtemps, une des données indispensables de l’équilibre asiatique. La Nouvelle-Calédonie et Madagascar, défendues par leur situation insulaire, tiendraient longtemps, chacune dans son réduit central, avant qu’une armée expéditionnaire vint à bout d’en arracher les couleurs françaises : la guerre du Transvaal et la guerre de Mandchourie ont démontré les difficultés inouïes de ces grandes expéditions lointaines contre un adversaire bien armé et décidé à se défendre.

Quant à notre domaine africain, situé aux portes de la France, nourrissant des populations belliqueuses et habituées à prendre place dans nos cadres, il est invincible. C’est lui, au contraire, qui pèserait, le cas échéant, dans la balance du monde, d’un poids imprévu et qui assurerait à notre offensive des conquêtes précieuses, au cas où une guerre générale remettrait sur le tapis ce partage du monde accompli par les dernières années du XIXe siècle, et que tant de traités solennels ont consacré.