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qu’il examinait. Les unes s’accordant avec les tendances modernes faisaient une grande place aux connaissances scientifiques, mais exilaient implicitement la liberté humaine et avec elle la responsabilité et la morale. Les autres demeuraient fidèles aux idées, mais il restait à démontrer comment elles étaient encore d’accord avec les choses, et elles finissaient par faire appel à un commencement absolu et, comme Descartes, recouraient à Dieu pour mettre la machine en mouvement et assurer sa continuité. Ne trouvant nulle part ce qu’il cherchait, Alfred Fouillée devait tenter lui-même la construction d’une doctrine.


C’est ce qu’il a essayé en édifiant la théorie des idées-forces, qui est la clef de toute sa philosophie. En 1879, dans un article de la Revue philosophique, il a employé pour la première fois cette expression d’idée-force, et depuis il n’a cessé de l’analyser, de l’expliquer, de l’approfondir. Une étude plus détaillée et plus technique de l’œuvre de Fouillée obligerait à chercher si cette expression qui a fait fortune eut toujours le même sens, et si elle ne l’a pas eu, dans quelle mesure elle a varié. Il suffira de la prendre ici dans son acception la plus fréquente. L’idée peut conduire à l’acte : telle est la pensée essentielle de Fouillée. On a coutume de croire qu’une idée, à l’état de pure représentation, n’est ni bonne ni mauvaise, ni efficace ni vaine ; c’est une abstraction. Elle ne se traduira en acte, elle n’aura d’effet que si elle s’organise avec le reste de notre vie, si elle est soutenue par nos désirs, adoptée par notre volonté. L’idée de charité ne fera pas donner les personnes non charitables. L’idée de vol ne fera pas voler d’honnêtes gens. Dépouillées de tous les élémens sensibles qui les environnent en chacun de nous, inclinations, passions, volontés, les notions abstraites semblent des signes : c’est notre sensibilité, c’est notre activité qui leur donne une signification pratique. Alfred Fouillée n’accepte pas ces distinctions : il croit que toute idée est déjà volonté ; il considère comme inséparables, la sensibilité, l’intelligence et l’activité. Il y a une réalité unique, laquelle se traduit par des phénomènes physiologiques et par des phénomènes psychologiques. Tout ce qui est représentation et idée est en même temps force, puisque nous choisissons.

Fouillée a exposé sa théorie dans plusieurs ouvrages, en particulier