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dans la Psychologie des idées-forces et dans la Liberté et le Déterminisme. Partant de l’expérience pure, dégagée de toute hypothèse, il constate un fait simple, le fait lumineux de la psychologie, peut-être de toute spéculation : c’est pour chacun de nous notre réalité et notre activité. Être, agir, penser, dit-il, ne font qu’un. Cette expérience n’est, d’après une définition qui revient souvent, ni une représentation, ni une intuition : elle est la conscience d’exister, elle est quelque chose de plus. La conscience ne s’aperçoit jamais en repos avec un contenu de sensations, de tendances, de sentimens fixes ; elle est changement et aspiration perpétuelle à de nouveaux changemens. Et elle n’aspire pas seulement à des variations venues du dehors, imposées par les objets extérieurs ; elle aspire à des changemens dont elle soit l’initiatrice. Exister sans rien sentir ni penser, sans agir et sans produire est comme si l’on n’était pas. Chacun a une volonté pour soi : c’est ce qui fait dire à Fouillée que ce que notre expérience intérieure nous donne, c’est une « volonté de conscience. » Je suis signifie au fond j’ai été et je veux être. Sans ce sentiment du passé et de l’avenir, chaque conscience ne serait qu’un moment éphémère, sans connaissance, sans vie, pareille à Ophélie emportée par les eaux mouvantes et pour qui n’existaient ni les rives immobiles, ni les fleurs de sa chevelure, ni elle-même. Chacun dans la réalité continue saisit une réalité qui se détache du reste par l’effort même qu’elle fait pour se perpétuer, c’est son moi. Cette expérience est d’une nature toute particulière ; elle n’est pas « une donnée ; » elle ne traduit pas quelque chose de transcendant, comme si nous ne percevions qu’un reflet d’une réalité qui nous échapperait en son essence : elle est. Et, tout en se présentant avec ce caractère immédiat, elle n’est pas pourtant toute simple. Ce n’est pas ici la vie qui est l’objet primitif et essentiel de la conscience ; c’est à la fois la vie, et une réflexion sur la vie, puisque je suis signifie à la fois la constatation de j’ai été et l’affirmation de je veux être.

Les analyses à l’appui de la théorie remplissent plusieurs volumes. On peut dire qu’après avoir trouvé la notion d’idée-force, Fouillée a passé sa vie à la justifier, soit en multipliant les raisonnemens en sa faveur, soit en montrant qu’elle résout un certain nombre de difficultés qui paraissaient insolubles. Il remarque par exemple que tous les phénomènes psychologiques sont des manifestations d’une impulsion ou d’un désir, et que