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réformes qui portent atteinte au fonctionnement traditionnel de nos institutions. C’est une tendance qui n’est pas toujours à blâmer ; encore moins faut-il toujours l’approuver. Plusieurs régimes ont sombré, en France, parce qu’ils n’ont pas su se renouveler et que, sous prétexte de fidélité à leurs origines, ils se sont voués à l’immobilité. On les a renversés faute pour eux de se réformer : ce manque de souplesse leur a été funeste. En sera-t-il de même de la troisième République ? Elle a, sans nul doute, des ressources de vie que n’avaient pas les gouvernemens antérieurs, mais elle souffre des mêmes maux qu’eux et elle montre, au moins dans quelques-uns de ses élémens, la même inaptitude à y remédier. Cette inaptitude s’est particulièrement manifestée au Sénat. Beaucoup de républicains, sentant que le scrutin d’arrondissement avait épuisé toutes ses vertus et qu’il commençait à mettre au jour tous ses vices, avaient entrepris de lui substituer le scrutin de liste. Ne pouvant pas, toutefois, en méconnaître les dangers, ils avaient voulu le tempérer par la représentation des minorités. Le succès de l’entreprise, sa popularité, l’adhésion qu’elle a rencontrée dans les partis les plus divers et, on peut le dire, dans la fraction la plus éclairée de ces partis, permettent d’affirmer qu’elle répondait à un besoin. Les élections dernières ont envoyé au Palais-Bourbon une majorité qui lui était favorable et, sur ce point du moins, on ne peut pas dire que la Chambre ait été infidèle à son mandat, car à diverses reprises et avec des majorités qui se sont quelquefois rapprochées de l’unanimité, elle a voté la réforme. Il semblait que le Sénat aurait dû tenir grand compte de ce vote de la Chambre, puisqu’il s’agissait d’elle et qu’elle avait, plus que personne, qualité pour choisir le mode électoral qui lui serait désormais appliqué. Rien n’y a fait. En vain, M. Briand a-t-il déployé tout son talent, et ceux mêmes qui l’ont renversé avouent qu’il n’avait jamais eu plus de souplesse, de force et d’éclat. L’esprit de routine l’a emporté. En face de M. Briand s’est dressé M. Clemenceau, qui a retrouvé toute la verdeur de sa parole pour ajouter un ministère de plus à la longue liste de ceux qu’il a autrefois mis à mort. L’engagement a été vif, rapide, très court. M. Briand avait posé la question de confiance et, quoi qu’on en ait dit, il ne pouvait pas ne pas la poser. Mis en minorité, il s’est retiré et, quoi qu’on en ait dit aussi, il ne pouvait pas faire autrement. Beaucoup de sénateurs, qui avaient voté contre lui, lui proposaient de lui donner, aussitôt après, un vote de confiance qui l’aurait remis en selle. Il ne s’est pas prêté à une opération qui l’aurait laissé affaibli, amoindri, voué à une chute prochaine, inévitable, peut-être humiliante. Il a