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qu’il dépend surtout : avec elle, il affirme et le mouvement diurne de la terre autour de son axe incliné sur l’écliptique, et la rotation de cet axe autour d’un autre qui est conçu comme normal à l’écliptique ; de la même manière qu’elle, plus précisément à la mode d’Oresme, il admet l’impetus, il explique la nature de la pesanteur, l’accélération de la chute des graves, la théorie des planètes conçues comme des mondes analogues à la terre et à peu près indépendans. Son invention géniale, enfin, consiste à restaurer l’idée héliocentrique d’Aristarque de Samos : il affirme l’immobilité du ciel et du soleil, son centre, et il gratifie la terre d’un troisième mouvement, qui lui fait décrire un cercle excentrique au soleil dans le plan de l’écliptique. Mais il ne craint pas de renier parfois la tradition de Paris et de saint Augustin : il n’imagine pas qu’une même dynamique puisse régir les corps terrestres et les corps célestes ; il ne veut pas suivre Albert de Saxe et admettre un unique centre du monde auquel tendent tous les centres de gravité ; il se persuade que ses hypothèses cinématiques ont une portée objective, une réalité physique, une vérité absolue !

On ne saurait trop insister sur l’importance de cette dernière théorie : le centre de gravité des controverses astronomiques et scientifiques s’en trouva du coup déplacé. Il s’est agi, jusqu’à ce jour, en Occident, depuis que la déchéance de l’université de Paris au moment du grand schisme a privé la Science Parisienne de ses champions légitimes, de savoir quel système d’hypothèses s’accordait le mieux avec l’expérience, c’est-à-dire avec les phénomènes astronomiques que l’on détaillait avec une minutie toujours croissante. Il s’agira, désormais, de montrer quel système s’accorde le mieux avec la réalité objective, telle que l’a constituée Dieu. Hier c’était le relativisme, c’est aujourd’hui le réalisme qui règne dans l’esprit des savans. Les écrits de Capuano et d’Achillini, de Nifo et de Fracastor, l’œuvre de Copernic enfin permettent de suivre cette révolution.

La cause en est triple. C’est d’abord le succès des théories de Ptolémée, presque universellement confirmé par quatorze siècles d’observations et d’expériences ; la confiance qu’elles inspirent aux astronomes se laisse apercevoir à la forme nouvelle, synthétique et déductive, sous laquelle Peurbach les présente. — L’idolâtrie