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mique sont, avec une gendarmerie bien organisée, capable de poursuivre jusque dans le désert les bandes de pillards, les seuls remèdes actuellement applicables au nomadisme, ce fléau endémique de l’Asie occidentale.

Telles sont les vues de quelques-uns des chefs du mouvement arabe : la Syrie deviendrait une fédération d’États dans laquelle chaque groupe aurait la faculté de se développer selon son génie propre et ses besoins économiques ou moraux ; elle resterait sous la souveraineté du Sultan et unie à l’Empire, dans les conditions qu’indique le programme de Beyrouth. Politique de décentralisation d’une part, politique de centralisation et de réformes opérées directement par le pouvoir central, les deux conceptions s’opposent : l’une est celle des Arabes, l’autre celle des Turcs qui sont actuellement au pouvoir. Il est clair que, selon que l’une ou l’autre sera appliquée, les intérêts des puissances européennes en seront affectés différemment. À ces questions de réorganisation interne de l’Empire ottoman se mêlent donc étroitement, tant dans les pays arméniens que dans les pays arabes, des intérêts, des ambitions, des rivalités européennes. Sans entrer ici dans l’analyse de tous ces intérêts, il faut du moins indiquer en quelques mots, comme nous l’avons fait pour l’Arménie, comment et dans quelle mesure ils sont liés à l’avenir de la race arabe.

Nous l’avons dit déjà, c’est la langue française, répandue en Syrie par les écoles supérieures, secondaires et primaires des religieux français, qui a servi de véhicule au mouvement de rénovation qui commence à transformer le monde arabe. L’élite syrienne d’aujourd’hui pense en français : les hommes instruits dans nos écoles, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, tournent leurs regards vers la France comme vers le foyer générateur des grandes pensées qui, élèvent moralement les nations et les affranchissent politiquement ; c’est là un fait considérable et nouveau qui vient s’ajouter à l’habitude historique des peuples chrétiens du Levant de chercher, dans la France, une protectrice et une amie. Ce legs précieux de l’ancienne France, que la nouvelle a conservé, nous assure dans ce pays où la mêlée des intérêts matériels est souvent si brutale, une clientèle capable de dévouement et d’attachement désintéressé. Maronites du Liban, Melchites et autres petites « nations » catholiques de Syrie, forment autour du drapeau français un groupe fidèle dont il est